Jours 106 à 112 : (1) Balade dans le Sichuan et rencontre avec les pandas

Nous voilà à nouveau dans le train, et cette fois-ci c’est un TGV, qui nous emmène en direction de Chengdu, la capitale du Sichuan. Nous y resterons quelques jours afin de faire notre extension de visa (le visa chinois dure un mois mais on peut demander un mois de plus une fois qu’on est dans le pays), nous balader, et surtout : voir les pandaaaas !

Jour 106, dimanche 28 octobre : Arrivée à Chengdu

Dimanche matin, nous quittons Xi’an pour Chengdu, une nouvelle grande ville située à quelques 800km au Sud, sur les contreforts du Tibet. Le TGV chinois, c’est assez rigolo, car il est plus large que celui de la SNCF : il y a ainsi non pas quatre sièges dans la largeur d’une rangée, mais cinq ! On se croirait dans un avion. D’ailleurs les gares ressemblent à de vrais aéroports : c’est très moderne, il y a des hall d’embarquements et il faut venir en avance histoire de passer tous les contrôles. D’ailleurs, on n’a pas le droit de transporter de couteaux ou de camping gaz dans le train (ce qui n’est pas pratique quand on trimballe son matériel de camping comme nous) alors on serre les fesses à chaque fois que nos sacs passent l’épreuve des scanners.

Arrivés à Chengdu, l’atmosphère a bien changé : déjà il fait plus chaud (au revoir les doudounes !) et la ville, au moins dans le quartier où se trouve notre auberge de jeunesse, a l’air plus relax. Elle est arborée, et certains restaurants disposent de terrasses où l’on peut manger ou boire un verre. Même l’ambiance de l’auberge de jeunesse est différente de celles de Pékin et Xi’an : le personnel est très sympathique!

Cependant ce même personnel nous apprend une mauvaise nouvelle : la demande d’extension de visa prend sept jours ouvrés à Chengdu, ce qui dépasse la durée du visa en notre possession, et nous obligerait à passer une longue semaine à Chengdu. On nous conseille alors de nous rendre à Leshan, une ville située à deux heures de route, où il est à la fois facile et rapide de faire son visa : ce sera l’affaire de deux jours. Cela tombe bien, car nous envisagions déjà de nous rendre à Leshan, une ville célèbre pour son immense statue de bouddha sculptée dans une falaise, ainsi que dans les alentours, afin de grimper les marches d’un nouveau mont sacré, le Mont Emeï. Nous quitterons donc Chengdu dès demain, mais pas avant d’être allés voir les pandas !

Le temps de prendre tous les renseignements, il fait déjà nuit quand nous sortons pour visiter un peu le quartier et trouver à se restaurer. Après s’être un peu baladés, nous revenons sur nos pas et jetons notre dévolu sur un petit restaurant avec une terrasse donnant sur la rue, au pied de notre auberge de jeunesse. Nous découvrons alors la cuisine du Sichuan, très réputée et il faut dire qu’elle est originale. On nous sert ainsi, avec un immense saladier de riz, un plat composé de petits morceaux de poitrine de porc grillée mélangés avec une quantité indécente de piments verts et rouges (les pires !). L’ensemble est agrémenté de cacahuètes mais aussi de minuscules pommes de pin. Celles-ci, quand elles croquent sous la dent libèrent un intense parfum de pin et une curieuse fraîcheur (oui, un peu comme du chewing-gum). Le côté frais du pin apaise un peu le feu du piment, mais l’ensemble de ces différents goûts très prononcés est un peu trop pour nous.

Jour 107, lundi 29 octobre : Sous le charme des pandas de Chengdu « j’en veux un à la maison! »

Au petit matin, nous nous rendons à la Réserve pour l’élevage et la Reproduction des Pandas, située tout à côté de Chengdu. La visite des pandas nous a été vivement recommandée par Joana et Sophie, des copines strasbourgeoises qui connaissent bien la Chine. Alors que nous étions un peu dubitatifs à l’idée d’aller visiter un zoo, monothématique de surcroît, les petites étoiles qu’elles avaient dans les yeux ont fini par nous convaincre, et une fois sur place, nous en avons compris la raison. Après avoir marché un peu dans le parc, en prenant soin d’éviter les grands axes sillonnés par des minibus chargés de touristes encore plus paresseux que les pandas (parce que le parc n’est pas bien grand !), nous découvrons, alors que nous sommes seuls, nos premiers pandas.

Notre tout premier panda,et déjà nous sommes sous le charme

Immédiatement nous sommes atteints par ce qu’on pourrait appeler l’effet panda ou encore la fièvre du panda : on se met nous aussi à avoir les yeux qui brillent et le sourire niais : « oh mais c’est trooop mignooooon ! »

Oui, on dirait vraiment une grosse peluche, j’avais la même quand j’étais petite

Et encore, c’est la réaction face à des adultes, quand nous découvrons les bébés pandas, nous et une foule dense de touristes chinois, nous fondons littéralement.

Il serait un euphémisme de dire que les chinois aiment les pandas ; ces jolis animaux douillets suscitent plutôt une véritable adoration ! Devant les enclos, on dirait une foule de parents et grands-parents en extase devant le dernier né de la famille : chacun des mouvements des petits pandas, chaque pas, chaque chute, soulève des « oooh » et des « aaah » émerveillés. Victor, très attendri, devient le plus grand fan des pandas et les mitraille de photos à un rythme démentiel, qui surpasse celui des chinois. Je lui laisse donc la parole pour vous parler de sa nouvelle passion animalière, ces mignonnes et grosses bébêtes à fourrure bicolore.

Le centre de Chengdu

Le Centre de recherche sur le Panda géant de Chengdu a été fondé en 1987, avec à l’époque seulement six individus. Aujourd’hui il en compte près de 150 et un certain nombre de spécimens sont même prêtés (pour des sommes astronomiques) à des grands zoos internationaux, que les scientifiques de Chengdu épaulent pour mettre à leur tour en place des programmes de reproduction. Le zoo de Beauval en France a ainsi vu naître ses premiers bébés pandas l’année dernière. Les bénéfices qui sont réalisés grâce à ces « locations » de panda (n’ayons pas peur des mots !) servent à financer les activités de reproduction et de réintroduction du centre de Chengdu. Les temps ont bien changé : alors que jusqu’aux années 1980 les dirigeants maoïstes pratiquaient très largement la diplomatie du panda, c’est-à-dire qu’ils offraient des pandas géants à des chefs d’État étrangers pour ménager de bonnes relations, désormais ces mêmes puissances sont ouvertement accusées d’avoir provoqué la quasi-extinction de l’espèce. Si la fascination (souvent régressive) des occidentaux face à cette grosse peluche, qu’on rêverait tous d’adopter comme animal de compagnie, y est sûrement un peu pour quelque chose, ce récit permet surtout au pouvoir chinois d’éviter toute introspection sur sa politique de protection des espaces naturels dans un pays où l’urbanisation avance à pas de(panda) géant.

« Nonnnn! Tout sauf Brigitte et J-P comme parrains ! »

Aujourd’hui, il reste moins de 2000 individus dans la nature. Visiblement, ce n’est pas une espèce douée pour la survie, et quand on en apprend un peu plus sur son éthologie, on en vient à se demander comment les pandas ont pu échapper si longtemps aux lois de la sélection naturelle.

La reproduction des pandas

Parlons déjà de leur reproduction, puisque c’est la principale activité du centre de Chengdu. Les pandas adultes vivent en solitaire et les femelles ne sont fertiles que 24 heures chaque année, ce qui ne laisse qu’une toute petite fenêtre pour se donner rencard au bon moment. Les individus nés en captivité semblent avoir totalement perdu leur instinct reproducteur : leur libido est quasi-inexistence et ils n’ont aucune idée du modus operandi qui pourrait les conduire à passer à l’acte. Afin de les stimuler pendant le peu de temps imparti, les scientifiques du centre ont testé différentes techniques : viagra, film pornographique pour panda (si, je vous jure !)… Ils se sont finalement rendus compte que la solution la plus efficace restait la plus rustique : faire renifler aux deux heureux élus (sélectionnés d’après la base de données génétiques du centre) leurs urines respectives, dont ils se servent normalement en pleine nature pour communiquer leurs désirs et disponibilités du moment. Même lorsque les soigneurs parviennent ainsi à stimuler les ardeurs des deux partenaires, le coït n’est pas assuré. S’ils font des galipettes c’est surtout au sens propre : ils s’amusent, se chamaillent, sans vraiment savoir comment s’y prendre pour conclure. Du coup ça se finit dans la grande majorité des cas en insémination artificielle…

Crédit photo : Gogole !
Crédit photo : Gogole aussi!

Le temps de gestation dure entre quatre et six mois, mais on n’a aucun moyen de savoir si la femelle est enceinte avant qu’elle ne mette bas. Les bébés pandas, qui ressemblent plutôt à des souriceaux imberbes et aveugles, pèsent entre 80 et 140g et naissent toujours par paire. La mère n’en conserve qu’un seul car élever deux enfants lui demanderait trop d’énergie. Au centre de Chengdu ils ont trouvé la parade : ils en laissent un en couveuse et un avec la mère, et les échangent discrètement plusieurs fois par jour. Elle n’y voit que du feu, la couillonne !

La vie d’un panda

A partir de quelques mois, le jeune panda commence à avoir son pelage bicolore et à gambader seul. Il peut alors s’adonner à ses activités préférées : dormir et se mettre sur la gueule avec ses petits camarades du même âge.

Alors que nos deux compères s’endorment après une bonne séance de catch…
Il semble rester un peu d’énergie au troisième larron…
« Vas-y Édouard, t’endors pas ! Je veux ma revanche ! J’étais pas très bien réveillé tout à l’heure… »
« Putain Nono, tu me les brises, tu vois bien que j’étais en train de roupiller ! »
« Allez, je me rendors… Comme dit Maman, c’est pas sa faute s’il est un peu limité notre Nono. »
« Tu crois que je t’ai pas entendu, bolos! »

Bon, on pourrait penser qu’en grandissant ces petites bêtes murissent et cessent ces enfantillages… En fait pas du tout, les ados sont encore plus teigneux et immatures.

« Ça a l’air drôle, moi aussi je peux jouer? »

Ils profitent de leur jeune âge pour avoir une vie sociale bien remplie, car ils mèneront ensuite une vie solitaire à partir leur maturité sexuelle (vers leurs six ans).

Ouais, après nos 6 ans, on s’emmerde un peu

Si du point de vue génétique les pandas sont assimilés à la famille des carnivores, leur régime alimentaire est composé à 99% de feuilles et de racines de bambous, qu’ils ingurgitent en grande quantité. Le faible apport énergétique que cette nourriture leur procure les oblige à limiter aux maximum leurs efforts. Une stratégie de survie basée sur la paresse en somme… En termes de sobriété énergétique, c’est ce qui se fait de mieux aujourd’hui ! Ils sont un peu actifs le matin lorsqu’ils se nourrissent, puis passent le plus clair de leur temps à dormir… Dans toutes les positions possibles et inimaginables !

Sur le dos
Sur le ventre (« Aïe, cha fait mal au museau! »)
Perché (« Là au moins ils devraient me foutre la paix! »)
En mode gueule de bois horrible… « Un dolipraaaane, viiite ! »
« Ah, ça va un peu mieux. Maintenant on va tenter de se rendormir un peu pour faire passer la nausée »

Et il y a aussi des pandas roux!

Mais ça, Victor ne le dit pas, car en vérité, tout le monde s’en fout! Ils ont beau être aussi au Parc et tenter de faire les mignons, ils sont totalement éclipsés par les pandas géants. Et d’ailleurs, ils ne leur ressemblent pas du tout, on dirait plutôt des renards grassouillets

Personne ne s’intéresse à nous, c’est pas juuuuste!

Après ce charmant intermède pelucheux, nous prenons un bus pour la ville de Leshan, où nous allons pouvoir faire faire nos prolongations de visa, mais nous le raconterons dans l’article suivant, pour vous parler encore un peu de Chengdu.

« Victor, ça y est j’en ai un, cours! » « heu non, ça c’est un peluche » « ah zut, la différence est pas assez flagrante! »

[ELLISPE  TEMPORELLE et hop nous sommes déjà le 3 novembre]

Jour 112, samedi 3 novembre : Exploration touristique et culinaire de Chengdu

De retour à Chengdu après notre randonnée au Mont Emeï, nous profitons de notre journée pour visiter un peu plus la ville, depuis notre auberge de jeunesse. Nous découvrons un quartier calme et ombragé très agréable, doté d’un marché dans lequel nous faisons de délicieuses découvertes culinaires, comme des saucisses sèches pimentées et des sortes de crêpes aux pommes de terres râpées. La partie poissonnerie du marché nous laisse un peu plus dubitatifs, avec ses poissons qui nagent le dos crawlé, ses grenouilles qui sautent entre nos pieds et ses flaques de sang.

Notre guide touristique étant peu disert sur la ville, alors que nous-mêmes nous trouvons à Chengdu un je-ne-sais-quoi de très sympathique, nous nous baladons un peu au hasard. Nous trouvons la « vieille ville » avec sa rue ancienne, retapée mais plutôt agréable et pénétrons dans l’enceinte du temple de Wenshu.

C’est l’heure de la cérémonie : des moines et des nonnes, habillés d’amples toges marron, mais aussi de simples croyants, chantent et marchent en cadence dans le temple. Nous restons un moment à les observer, bercés par leur chœur qui répète en boucle la même mélopée, hypnotisés par leur procession.

Ensuite, grâce à un petit coup de métro, nous visitons la place principale de la ville, Tianfu Guanchang, dotée d’une grande statue de Mao et encadré de hauts buildings, puis le Parc du Peuple.

En ce samedi, ce petit parc est affreusement surpeuplé, et il semble que ce soit la fête des fleurs, si l’on en juge par la profusion de celles-ci et de l’application des gens à les prendre en photos. Après avoir observé la navigation de frêles esquifs sur le petit lac du parc, dans lesquels les parents semblent prendre plus de plaisir que leurs rejetons, nous quittons les lieux, un peu trop bondés.

Chengdu aurait sans doute mérité un peu plus d’un jour de découverte, mais nous avons déjà pris nos billets de train pour Guilin, un peu fatigués des grandes villes, de leur circulation et de leur pollution, et il nous tarde de reprendre le vélo. Dès demain nous quitterons la patrie des pandas et de la bonne nourriture, pour les paysages de pics karstiques de la région de Guilin, toujours plus au Sud, et plus très loin du Vietnam.

3 réflexions au sujet de « Jours 106 à 112 : (1) Balade dans le Sichuan et rencontre avec les pandas »

  1. Cet instant vous a été proposé avec l’aimable participation de l’émission « 30 millions d’amis », en direct de Chine.

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  2. Haha, puisque je vois qu’il y en a au moins un que ça intéresse, revenons ensemble sur la gestation des pandas! En réalité quand maman panda a reçu au moment opportun la semence de papa panda, elle a la capacité de ne pas déclencher tout de suite la grossesse, genre « ça m’arrange pas du tout d’être enceinte là, on peut pas repousser de quelques semaines ? » C’est pour ça qu’on a du mal à savoir si elle est vraiment enceinte et que le temps entre la conception et l’accouchement peut aller du simple au double. Si tu as d’autres questions Kévin n’hésite surtout pas!

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