Jours 167 et 181 : Nos aventures au Nord Laos avec Michèle et JJ, en sac à dos, vélo, moto, bateau, et en tuk tuk!

Pour Michèle et Jean-Jacques, les parents de Victor, tout était clair depuis le début : « ah vous partez à vélo vers l’Asie ? Hé bien pas de problèmes, on vous rejoindra au Laos, à ce qu’il paraît, Luang Prabang est une ville fort sympathique ! » Sans bien savoir ce qu’était Luang Prabang à l’époque, nous acquiesçâmes, bien contents d’avoir un nom de ville à entrer dans nos petites têtes, et une destination précise pour notre voyage. 5000km à vélo et 5 mois de voyage plus tard, après avoir traversé une dizaine de pays, nous arrivions à Luang Prabang et les parents de Victor étaient là, fidèles à leur promesse, parés à l’aventure, couverts d’anti moustique.

Comme d’habitude quand nous ne roulons pas, nous n’allons pas relater jour par jour notre périple, mais plutôt revenir sur quelques grands points sur le voyage, et le premier étant tout simplement :

Luang Prabang c’est fort joli et exceptionnellement sympathique

Il faut bien le dire, Luang Prabang est une ville où l’on peut couler des jours heureux en regardant couler le Mékong. Au cours de notre périple à vélo, tous les gens que nous croisions et qui avaient eu l’occasion de visiter la ville nous tenaient d’ailleurs à peu près le même discours : « ah oui, Luang Prabang c’est touristique, c’est sûr, mais c’est vraiment très beau. Et puis, il y a une ambiance particulière, c’est sympa quoi, agréable… » A force d’entendre les louanges sur Luang Prabang (LP pour les intimes) nous commencions à craindre, depuis le fond de notre jungle, de nourrir de trop grandes attentes vis-à-vis de la ville. Mais force est de reconnaître que ceux qui nous en avaient parlé en de si élogieux termes avaient raison.

Et pourquoi est-ce que c’est sympa, LP ? Parce que, même si c’est la troisième ville du pays, elle est très paisible, il est agréable d’y flâner dans ses ruelles ombragées tout en admirant les belles façades de bois qui rappellent pour certaines son héritage colonial. A LP, il n’y a rien de brutal, tout coule au fil du Mékong et il n’y a rien de vertical, aucun immeuble ne dépasse la cime des arbres et toutes les maisons préfèrent plutôt se couler dans leur ombre.

Luang Prabang vue de haut (Mont Phousi) et qui se fait discrète parmi la végétation. On se demanderait presque si ce n’est pas la ville qui a inspiré le poème de Baudelaire, Invitation au voyage « Là tout n’est qu’ordre et beauté, luxe, calme et volupté… »

La reconnaissance de la ville au patrimoine mondial de l’UNESCO y est sans doute pour quelque chose ; on nous a dit comme ça – mais est-ce une rumeur? – que ce statut particulier avait permis de s’opposer à des travaux d’ampleur visant à construire des hôtels immenses pour accueillir les touristes chinois de plus en plus nombreux. Quand on voit la manière dont leurs barrages défigurent déjà le paysage, et quand comme nous on a constaté des affres du tourisme à la chinoise en Chine, on peut penser que la rumeur est vraie et dire « ouf ».

Un tuktuk, le taxi local, dans le centre de Luang Prabang

Les temples et la vie monacale de Luang Prabang

Toujours est-il que LP est aussi une ville tout à fait exceptionnelle en matière de vie religieuse et de temples bouddhistes. Elle en compte, ou disons plutôt que Victor en a compté, plus d’une cinquantaine, tous différents les uns des autres ; ils sont emblématiques de la ville. Ça n’est jamais un seul monument, il faut plutôt se figurer une enceinte, comportant plusieurs bâtiments : le temple principal, qui accueille souvent un grand bouddha, assis ou couché, souriant ou mutique, en bois ou doré, des temples secondaires plus petits, un hangar pour accueillir une longue pirogue dorée et sans doute sacrée, des dortoirs et lieux de vie pour les moines. Ces derniers, crâne rasés et habillés de toges safran qui leur couvrent une épaule, sont de tous âges et très nombreux ; on les croise partout à LP.

« …Les riches plafonds, les miroirs profonds, la splendeur orientale. Tout y parlerait, à l’âme en secret, sa douce langue natale. » (suite de l’Invitation au voyage de Baudelaire)

Le bâtiment principal du temple est souvent très richement décoré, de dorures et de mosaïques, et il a un toit très particulier, en plusieurs couches superposées. D’ailleurs avec Victor, après avoir vu du temple bouddhiste en veux-tu en voilà depuis la Bouriatie en Russie, puis en Mongolie, en Chine et au Vietnam, nous trouvons que le Laos gagne haut la main la palme des plus jolis temples.

Installation des guirlandes de noël, huhu
La posture du haka

Et ce qui est sympathique est qu’ils sont particulièrement animés ; un soir Michèle et Jean-Jacques ont même l’occasion d’y faire une séance de méditation. Ils en ressortent à priori avec deux enseignements principaux (en dehors de « méditer c’est agréable » ce qu’ils savaient déjà) : le laotien c’est dur à lire et la position en tailleur c’est dur à tenir.

A l’aube, les moines réalisent un rituel particulier, que l’on appelle la cérémonie de l’offrande. Chaque jour vers 5h du matin, ils parcourent la ville munis d’un récipient que les habitants croyants remplissent avec du riz collé dont ils font l’aumône aux moines. C’est un rituel qui ne se fait pas à la légère, le riz doit être d’une bonne qualité, et l’aumône doit être faîte par des bouddhistes dans une démarche religieuse. Cependant, cette cérémonie est si connue, si emblématique de la ville, que des petits malins ont trouvé moyen d’en tirer parti et d’en faire une attraction touristique. Dans une des rues principales de LP, nous observons ainsi des groupes de touristes assis en rang d’oignons sur de petits tabourets sur le passage des moines (sous des lampes pour faire de belles photos puisqu’à 5h du matin il fait nuit), se prêter à l’exercice avec la même application que s’ils donnaient du pop-corn aux animaux d’un zoo. Ce spectacle suscite chez nous un grand malaise, et nous sommes un peu surpris de voir que les moines acceptent quand même ces offrandes. Nous les voyons cependant jeter un peu plus loin le riz donné (probablement considéré comme impur) ou le confier à des enfants munis de sacs.

Le geste apaisant les querelles, et celui de tourner la roue

C’est vrai qu’on a parfois la dent dure avec le tourisme, alors que pourtant, des fois c’est bien aussi de faire les touristes. On l’a bien compris en parcourant de long en large les allées colorées du Marché de Nuit, un ensemble d’échoppes vendant de l’artisanat plus ou moins local, des brochettes et des gâteaux. Ou encore en profitant de l’héritage colonial français de Luang Prabang pour renouer avec le goût du pain !

LP, presque aussi beau de nuit que de jour
Le retour du petit déjeuner franchouillard

Ça va très bien avec les douceurs que Michèle et Jean-Jacques nous ont ramené de France, fromage, saucisson, pâté… Ah, comme vous nous avez manqué !

Les alentours de Luang Prabang, entre grottes et cascades

Luang Prabang c’est aussi sympa pour ses alentours, et notamment de belles cascades à l’eau bleue piscine, heu, je veux dire bleue cristalline. Nous nous rendons ainsi en tuk tuk aux chutes de Kuang Si, accompagnés de Fernando, notre comparse mexicain de voyage à vélo, et Clémence, une sympathique française rencontrée à Nong Khiaw.

C’est l’occasion d’une bonne balade en tuktuk

Et niveau cascade, Kuang Si, c’est plutôt pas mal du tout, avec ses eaux qu’on dirait presque chimiques tellement elles sont bleues, et ses chutes assez hautes.

Le site abrite aussi une réserve d’ours qui ont été secourus d’une infâme forme d’exploitation s’il en est, celle de leur bile. La bile d’ours étant réputée pour ses vertus soit disant aphrodisiaques, ces pauvres ours noirs à rouflaquettes sont chassés, emprisonnés, tandis qu’un tube leur perfore le ventre afin de recueillir leur bile et de la revendre au prix fort, sans se préoccuper des souffrances et infections endurées par les pauvres plantigrades. Dans la réserve de Kuang Si, ils échappent à ce funeste sort et vivent une vie qui nous fait un peu penser à celle de pandas de Chengdu…

Bien motivés à découvrir les environs de LP, nous nous rendons aussi, en bateau, aux grottes de Pak Ou. Mais là, c’est plutôt la déception, face à ce qui ressemble quand même pas mal à un attrape couillon. Les grottes sont petites et pas très intéressantes, même si elles sont remplies d’un nombre impressionnant de bouddha de toutes tailles.

Le chemin pour y grimper est congestionné de vendeurs et vendeuses de tout et n’importe quoi qui vous hèlent d’un « buy something madame » (« achète moi quelque chose couillonne madame ») un peu gênant. On se demande un peu pourquoi le Lonely Planet et le Guide du Routard, nos deux guides de référence, conseillent la sortie. Ah si, pour la balade sur le Mékong qui y mène et en ramène, sans doute, et qui s’avère, il est vrai, particulièrement agréable.

Cela l’est d’autant plus que nous prenons le chemin du retour au moment du coucher du soleil, qui nous offre une jolie palette de couleurs en arrivant à LP, que Jean-jacques et Victor se font un plaisir de mitrailler au cours d’un petit concours photo.

Luang Prabang, c’est donc une destination touristique particulièrement classe du Laos, cependant les charmes de la ville n’ont pas pu nous y clouer pendant tout le séjour de Michèle et Jean-Jacques, au contraire, nous avons d’abord pris le chemin du Nord, pour aller découvrir ou redécouvrir la jungle et s’y promener, puis du Sud, vers la ville de Vang Vieng et ses falaises karstiques.

Au Nord, y’avait les tribus

Et si on remonte dans la jungle au Nord, après en avoir sué des ronds de chapeaux à vélo pour en sortir, c’est parce qu’il y a des jolis coins, et surtout des opportunités pour en apprendre plus sur la vie des tribus qui vivent là.

Nous retournons avec Michèle et JJ pile à l’endroit où nous étions passés, Nong Khiaw et alentours, puisque, apparemment, c’était quand même un des coins les plus sympas du Nord Laos. C’est aussi un des coins les plus accessibles depuis Luang Prabang, car nous réalisons rapidement que voyager en bus, c’est seulement un petit peu plus rapide que de voyager à vélo… Ainsi, pour rallier Phongsaly, où nous pensions nous rendre pour faire un trek, il faut compter presque une vingtaine d’heures de route, dans des conditions bien spartiates. Nous nous rabattons donc sur des coins sympathiques, mais un peu moins éloignés. Encore que, pour parcourir 150km, que nous avions faits en 2 jours à vélo, il faut quand même compter un peu plus de 4h. C’est un peu long, non, pour 150 pauvres petits kilomètres ? Oui, mais il faut compter avec l’état de la route, complètement défoncée par les travaux qui construisent le barrage de Power China, ainsi qu’avec la conduite laotienne. Et on est plutôt sur une mentalité « moi y’me presse pas, moi y’me promène » comme disait mon frère dans sa tendre jeunesse, c’est-à-dire qu’il faut compter foultitude d’arrêts pour faire descendre ou monter des gens, pour réceptionner ou embarquer des colis, pour faire pipi, pour manger… C’est un peu long, et JJ s’occupe à faire sauter un petit laotien grognon puis ravi sur ses genoux, s’entrainant en même temps en prévision de ses responsabilités prochaines de grand-père.

Arrivés à Nong Khiaw, c’est un peu la déception : mais c’est quoi cette température, où est passé le soleil ? En ce moment, c’est l’hiver aussi au Laos, et comme pour le prouver, il se met à pleuvoir et à faire froid. Ces pauvres JJ et Michèle grimpent sur la même pente escarpée que nous avions prise pour découvrir un magnifique point de vue à 360°, et n’y voient pas grand-chose, à part de la brume. Le lendemain, sans se laisser démonter par le mauvais temps, nous embarquons pour le village de Muang Ngoy, qui se trouve en amont de la rivière et qui n’est accessible que par bateau.

A l’embarcadère de Nong Khiaw, il y a trop de monde pour un seul bateau, et nous devons attendre que l’on se décide à en affréter un autre. Nous avons donc tout le temps de voir le premier bateau lâcher l’ancre, s’éloigner du quai, échouer à démarrer son moteur et… Partir dans le mauvais sens, emporté par le courant ! Comme quoi, les trajets en bateau peuvent être encore plus incertains que les trajets en bus.

Bye bye le bateau, rendez-vous à Luang Prabang

Nous prenons place dans un second bateau, et, chanceux, nous avons même accès aux quelques places assises, qui le sont sur de confortables fauteuils de voiture (le reste de voyageurs sont installés au fond du bateau, sur des bancs en bois à côté du moteur. On l’a déjà fait, c’est moins bien).

Et nous sommes d’autant plus chanceux que le capitaine démarre son moteur sans aucun problème, sous les applaudissements encourageants de JJ ! Alors que d’autres embarcations se sont lancées à la rescousse du premier bateau en perdition, nous, pour notre part, nous remontons la rivière en direction de Muang Ngoy. Une heure plus tard, nous voilà à Muang Ngoy, où nous trouvons de sympathiques bungalow en bambous sur pilotis, avec une belle vue sur la rivière. Si seulement il ne faisait pas si froid et moche, ce serait le pied !

Un peu de hamac pour faire venir le soleil…

Nous profitons de l’après-midi pour aller observer la vue, malheureusement assez bouchée, depuis un observatoire, et visiter une grotte assez profonde et intimidante. C’est super les grottes au Laos, car ce n’est pas comme en France, où il y aurait des guides et de l’éclairage automatique. Là, tu es tout seul avec ta petite lampe frontale et tu te débrouilles en faisant attention de ne pas écraser une énorme araignée au corps transparent, ça procure quand même beaucoup plus de sensations, et cette impression agréable d’être un courageux et aventureux spéléologue sur le point de mettre à jour la grotte de Lascaux.

Et le soir, nous fêtons la nouvelle année grâce aux précieuses victuailles ramenées par Jean-Jacques et Michèle depuis la France : du bon vin, et même du foie gras ! C’est une chance d’être dans le village où l’on fait le meilleur pain de la région. Côté ambiance, c’est plus calme. Un groupe de jeunes, dans le bar où nous nous trouvons, ne tient même pas jusqu’à minuit, mais de notre côté, nous nous accrochons, notamment grâce à de bons cocktails au Laolao (l’alcool de riz local), et à la conversation de deux compatriotes en vacances, Pascal et Sandrine.

Dans la rue principale de Muang Ngoy
Les réjouissances du nouvel an !

C’est une curieuse chose que de se lever un premier janvier sans même un léger mal de cheveux, mais c’est plutôt bien quand on a devant soi plus de quatre heures de bateau à faire. Surtout quand ce bateau remonte une rivière coupée par un barrage, et qu’il faut s’arrêter, descendre du bateau, prendre un tuk-tuk pour contourner le barrage, et ensuite trouver un second bateau pour continuer le trajet.

ça donne envie de dormir à tout le monde

Nous arrivons donc la tête un peu lourde à Muang Khua petite bourgade qui n’a pas grand intérêt, si ce n’est un pont rigolo en bois et en métal qui se balance au gré des passants. Mais n’allez pas y faire du tourisme juste pour ça, vous seriez déçus.

Nous, nous ne sommes pas à Muang Khua pour le pont, mais pour rencontrer un guide, Bounma, un ancien instituteur reconverti dans le tourisme, et qui nous amènera nous balader dans la montagne à la découverte de tribus locales. Bounma nous embarque donc le lendemain dans un tuktuk avec un couple germano-italien (vivant, ô ténébreux hasard, à Strasbourg !) et nous amène tout d’abord visiter un marché tribal. Et c’est quoi un marché tribal ? Hé bien c’est un marché presque classique où l’on vend de tout, du tabac, des poissons vivants, des pièges à ours ou encore des petites voitures pour les enfants, mais où viennent notamment des ressortissants de tribus montagnardes. Et comme ceux-ci, et surtout les femmes, s’y rendent en habits traditionnels colorés, c’est joli, intéressant et ça attire les touristes.

Nous nous enfonçons ensuite dans la montagne, sur un chemin plutôt vertical et qui serait glissant si Keïko, guide adjoint et ressortissant du village où nous allons passer la nuit, n’était pas là pour nous creuser des petites marches avec une bêche.

Lui et Bounma nous en apprennent plus sur la vie dans la jungle, dont les habitants des tribus Akhas et Pala que nous allons rencontrer tirent la plupart de leurs ressources grâce à la cueillette et à la chasse. Nous découvrons aussi qu’ils cultivent le riz de montagne, une variété particulière qui est plantée sur une terre déforestée tous les trente ans, et même parfois le pavot, qui sert à faire l’opium, même si c’est désormais interdit.

Inspection d’une plantation de riz de montagne
Quelques paysans, sous la houlette d’entreprises thaïlandaises et chinoises, se sont mises à l’exploitation du caoutchouc de l’hévéa, seul arbre qui perd ses feuilles en hiver dans la jungle

Quelque chose nous frappe dans cette forêt, et nous mettons un peu de temps à mettre le doigt dessus, pourtant, c’est assez flagrant : il n’y a pas de bruits, aucun gazouillis d’oiseau. Mais quand on voit les étals des bords de route ou des marchés, qui proposent à la vente moults oiseaux, rats, écureuils et chauves-souris, on comprend un peu mieux pourquoi. Notre guide Bounma nous a d’ailleurs prévenus, nous ne verrons pas d’animaux sauvages, de gibier ou d’ours, ou alors si, mais découpés en rondelle sur un étal au marché.

Les cochons noirs ont un meilleur statut que les chiens, ils sont bien nourris, et la nuit c’est eux qui dorment sur le perron des maisons

A l’entrée des villages, Bounma nous montre les portails à esprits, qui ont vocation à empêcher les mauvais esprits de pénétrer le village. Nous comprenons enfin pourquoi, depuis que nous sommes au Laos, les chiens sont si calmes et soumis, pourquoi ils n’aboient jamais et n’essaient pas de nous croquer les mollets quand nous passons à vélo. Les portails à esprits sont décorés avec les têtes des chiens qui aboient beaucoup ou sont agressifs, cloués gueule ouverte pour effrayer les mauvais esprits. « Tiens, ça t’apprendras à courser le facteur ! » A force, les canidés ont peut-être compris qu’ils avaient tout intérêt à se faire discrets, ou alors leur grande docilité est une résultante de la sélection par défaut des chiens calmes générations après générations.

Dans le village où nous devons passer la nuit, chez Keïko, nous découvrons l’activité favorite des enfants. Ils se sont construits des sortes de petites luges à trois roues avec lesquelles ils dévalent à toute vitesse les ruelles du village. Ils font preuve d’une dextérité impressionnante pour négocier leurs trajectoires, et slalomer entre les cochons, les poules et les obstacles.

Lui, tant au niveau du bricolage, de la vitesse ou de la trajectoire, c’est vraiment le meilleur des riders

Certains ont choisi les glissades en milieu urbain, d’autres préfèrent des conditions plus extrêmes, et zou que je te dévale toute la pente forestière à toute allure!

C’est chez Keïko que nous dinons et c’est aussi lui qui va tous nous héberger dans sa maison en bois, constituée d’une seule et même pièce. Autant dire que c’est « sans chichis » niveau literie et couverture, mais Keïko, qui accueille des étrangers pour la première fois, prend bien soin de nous, s’assurant que tout le monde est bien installé et venant même nous border.

Le lendemain, nous continuons notre marche et atteignons un village d’une autre tribu cette fois ci, que notre guide nous a désigné comme étant des Iko Pala. Mais voilà, quand Victor pose une question sur les Iko Pala en leur présence, ceux-ci froncent les sourcils. Notre guide nous expliquera un peu après que les laotiens appellent cette tribu Iko Pala mais qu’elle s’appelle en réalité seulement Pala. Le préfixe « iko », qui signifie plus ou moins « crasseux » est rajouté par habitude par les laotiens, mais a tendance à vexer les Pala, ce qui n’a en soit rien d’étonnant. Ce qui est plutôt étonnant c’est que ce soit le guide lui même qui utilise le surnom offensant de la tribu qu’il fait visiter!

Charmant tableau d’une petite sieste commune des animaux de la basse cour

En quittant le village des Pala, nous nous faisons aboyer dessus par un chien, ce qui inspire à notre guide la réflexion suivante : « tiens, voilà le prochain candidat pour le portail aux Esprits ». Eh oui le chien, tu le sais pourtant, qu’il faut la jouer discrète !

Au Sud, y’avait les drogués

Après notre escapade au Nord, nous prenons la direction du Sud de Luang Prabang, et de la ville de Vang Vieng. Suite à un trajet en bus épique sur lequel on reviendra un peu plus tard, nous voilà dans cette ville à la curieuse histoire. Pendant longtemps et jusqu’à peu, ce n’était pas les jolis pics karstiques et les rizières qui attiraient le touriste jusqu’à Vang Vieng, mais plutôt ses drogues en libre-service.

Les magnifiques paysages de Vang Vieng

Le coin accueillait surtout de jeunes australiens qui venaient au Laos pour se mettre la tête à l’envers. Leur activité préférée : la descente de la rivière avachis sur des chambres à air servant de bouées, au cours de laquelle ils s’arrêtaient dans des bars pour boire un coup avant de repartir en bouée jusqu’au prochain bar ; l’activité a même un nom, c’est le tubing (du nom de la chambre à air en anglais). Des laotiens s’étaient donc convertis en pêcheurs d’australiens saouls dont les subtilités sont les suivantes. Au bout du fil, remplacez l’hameçon par une bouteille de bière, lancez votre ligne vers une bouée, et si ça mord, ferrez doucement pour ramener votre prise près du bar afin qu’elle puisse y picoler tout à loisir en l’échange de billets. Cependant, comme on s’en doute, l’équation alcool et baignade ne faisant pas bon ménage et menant au décès de plus d’une vingtaine de jeunes par an (overdose, noyade, traumas crâniens), le gouvernement a fait cesser les activités liées à la défonce en 2012.

Ceci n’empêche pas le coin d’être magnifique et aujourd’hui, la fréquentation touristique de Vang Vieng a bien changé ; les principaux vacanciers ne sont plus des australiens mais des coréens. Et disons que leurs activités ont quelque chose de plus bon enfant : ils se baignent dans des bassins naturels et font de petits tours en buggy (sorte de voiture tout terrain ridicule). Comme ils ne savent pas nager et sont excessivement prudents, ils portent leurs gilets de sauvetage à peine sortis de leur hôtel, et le gardent sur eux toute la journée même quand ils ne se baignent pas, dans leur buggy ou dans les tuktuk, ce qui nous fait bien rigoler.

Baignade dans les lagons de Vang Vieng
Les buggy en question

Pour notre part, ce n’est ni le buggy ni le tubing (et encore moins la drogue) qui nous ont attirés à Vang Vieng, mais plutôt ses paysages, ses grottes et ses bassins. Nous abandonnons nos vélos au profit de deux-roues à moteur et partons découvrir les lieux, tout en observant les pics, les rizières, et en mangeant de la poussière. C’est beau, c’est très beau, mais ça le serait encore plus avec un rayon de soleil !

JJ et Michou en mode motards du désert

Les falaises qui encadrent la vallée sont trouées comme des gruyères et sont parsemées de grottes aux profondeurs impressionnantes ! Nous en visitons une alors que nous sommes seuls tous les quatre avec nos petites loupiotes, ce qui confère à la balade une atmosphère particulière. La grotte est vraiment immense, enchaînant plusieurs salles aux proportions de cathédrales, des crevasses dont il faut se méfier, et elle est habitée d’insectes sur lesquels on n’a vraiment pas envie de marcher.

Au fond de la grotte, nous découvrons même d’étranges peintures rupestres, ont elles été laissées par les dizaines et des dizaines d’âmes en peine égarées pour toujours dans ce gouffre labyrinthique?

Laissez-nous sortir!
En mode Projet Blairwitch

Nous manquons nous même de nous perdre dans ce souterrain humide : « Mais on n’est pas déjà passé devant cette stalagmite en forme de Saint Nicolas ? », heureusement, les Bailly ont un sens de l’orientation infaillible !

Voyager en bus, c’est bien plus dangereux qu’à vélo, ou comment Michèle a failli mourir deux fois en trois trajets de bus

Quand nous avons rejoints Michèle et JJ à Luang Prabang, il a très vite été clair que nous laisserions nos fidèles destriers à deux roues, Wolfgang et Ruth, à l’écurie, et que nous leur préférerions le bus. Nous ne le savions pas encore, mais cela allait rendre notre voyage encore plus épique et périlleux. Car quand on prend le bus au Laos, on sait quand on part (encore que, pas tout le temps) mais on ne sait pas quand, et surtout pas si, on va arriver.

Preuve numéro 1 : notre second trajet en bus pour revenir de notre trek dans la jungle. Nous grimpons dans un autocar qui fait la liaison entre Dien Bien Phu (Vietnam) et Luang Prabang, mais, à cause de toutes les bagages qu’on a chargés dans le petit bus plutôt que dans les soutes, il n’y a presque plus de place pour nous, et nous devons nous faxer sur des strapontins. Or derrière Michèle, qui a écopé de la place du fond, de gros ballots tressautent à chaque nid de poule de la route, menaçant de lui tomber sur la tête, et mettant même la menace à exécution. Voyant son épouse en péril après la chute d’une première valise, JJ vole à son secours pour lui éviter d’être écrasée par un énorme ballot qui doit bien peser ses cent kilos. Mais son intervention n’est pas assez efficace pour immobiliser le ballot et, l’assistant du chauffeur (qui est responsable de la répartition des places dans le bus) n’intervenant pas, JJ nous lance dans un jeu de chaises musicales à l’issue duquel Michèle, JJ et moi changeons de place pour nous éloigner du danger tandis que Victor est peinard à l’avant. Les places ainsi redistribués, l’assistant du chauffeur n’a plus de siège, mais Michèle échappe à une mort certaine. En effet, quelques kilomètres plus loin, un nid de poule un peu plus conséquent que les autres fait s’envoler le gros ballot menaçant en question, qui atterrit pile sur la place laissée vacante de Michèle ! Il s’en est fallu d’un cheveu pour qu’elle n’ait droit au coup du lapin.

Et ils ne sont pas encore au bout de leur peine

Le pire est encore à venir, avec la preuve numéro 2 : le trajet Luang Prabang/ Vang Vieng, censé durer un peu plus de quatre heures et qui nous en aura pris presque huit, pour environ 180 kilomètres. Tout commence pourtant bien, nos vélos sont montés sans encombres avec leurs sacoches sur le toit du bus, et nous partons presque à l’heure. La route de Vang Vieng nous impose de grimper dans la montagne, afin de franchir un col plus haut que tous ceux que nous avons déjà passé à vélo (1900 mètres d’altitude). La montée est abrupte et longue ; au début, nous sommes bien contents d’être en bus et de n’avoir pas tout ça à monter à la force des cuisses. Le paysage de montagnes pelées est magnifique, et ce qui est bien, c’est qu’on a tout le temps de l’admirer ou de le prendre en photo, étant donnée l’allure d’escargot à laquelle se traîne notre bus. Même si nous sommes chargés comme des ânes bâtés, cette moyenne de 20km/h est un peu surprenante, et elle est annonciatrice des problèmes à venir.

Cette lenteur n’empêche pas des passagères laotiennes d’être malades, et de vomir leurs entrailles dans de petits sacs plastiques, qu’elles jettent ensuite par la fenêtre. C’est impressionnant de voir d’ailleurs tout ce qui passe par la fenêtre des bus : sacs, bouteilles en plastique, mouchoirs, comme si la nature n’était qu’une gigantesque poubelle. Nous trouvions que les bas-côtés des routes empruntées à vélo étaient plutôt propres ; eh bien ce devait être seulement parce que tellement peu de monde passe sur ces routes que les déchets ne s’accumulent pas.

Nous arrivons quand même au sommet et, une fois passé le col, nous amorçons quelques mètres de descente, mais nous nous arrêtons aussitôt. Tandis que la plupart des passagers du bus s’égaille dans la nature pour aller satisfaire des besoins naturels, le chauffeur lui, passe sous le bus. Il y a un problème de frein visiblement, comme le diagnostique rapidement JJ, ce qui n’est pas particulièrement rassurant alors que nous nous apprêtons à nous lancer dans la descente d’une petite route de montagne bien pentue. Nous repartons ensuite mais nous n’allons pas loin, car a priori le problème n’est pas réglé. Revoilà le conducteur qui passe sous le bus, tandis que nous commençons à chercher une autre solution pour aller à Vang Vieng. Car descendre un col à 1900 mètres d’altitudes dans un bus aux freins défectueux, très peu pour nous. Nous imaginons un moment reprendre nos vélos et nos sacoches pour rallier la ville à vélo avec Victor tandis que Michèle et Jean-Jacques font du stop, mais ça n’est pas bien pratique, et il y a quand même encore 80 kilomètres à faire.

Puis voilà le chauffeur du bus qui ressort une nouvelle fois de sous son engin et rappelle ses passagers. Il va tenter la descente malgré tout, même s’il a le problème suivant (pardonnez mes faibles connaissances en mécanique) : la mâchoire du frein arrière droit est grippée et reste serrée sur le disque. En d’autres termes, le problème n’est pas que nous n’avons pas de freins, mais que ceux-ci freinent en permanence, menaçant de chauffer voire d’enflammer les gaines en caoutchouc. C’est pourquoi nous nous trainions tellement en montée ; les freins faisaient déjà des leurs et ralentissaient le bus. Et en descente, plus le chauffeur freine, plus la mâchoire se resserre sur la roue!

Bref, désormais, nous ne pouvons que reprendre la route en serrant les fesses et en espérant que les freins ne finissent pas par surchauffer, s’enflammer et lâcher. Évidemment, ça n’est pas le chauffeur – qui ne parle pas un traître mot d’anglais et ne communique pas avec ses passagers – qui nous explique tout ça, mais c’est Jean-Jacques, après avoir observé son travail. Il ne tient pas un discours rassurant, loin s’en faut, en nous prévenant qu’il faudra bien s’accrocher quand les freins du bus lâcheront en pleine descente et que le conducteur nous précipitera dans le bas-côté dans l’espoir d’arrêter le bus et sa course folle vers le ravin… Si Victor, qui connait bien son père, se met à stresser, une partie de moi n’arrive pas à se convaincre qu’il ne nous fait pas une blague. De plus, mon esprit peut être un peu naïf ne peut s’empêcher de se dire : « mais enfin, s’il y avait vraiment un tel danger, le conducteur du bus ne prendrait pas le risque de perdre son bus, corps et bien, et appellerait en ville pour demander de l’aide ». Nous finissons quand même par nous convaincre de l’existence du problème quand Michèle et JJ s’équipent de leurs sacs à dos qu’ils passent sur le ventre, en mode airbag, et nous sentons monter la tension à chaque virage de la route, au fur et à mesure que l’odeur de caoutchouc brûlé des freins s’intensifie. Tout le bus est extrêmement silencieux à ce moment-là, à part ceux qui vomissent encore, et a les yeux fixés sur la route, accrochés à chaque geste du conducteur, serrant les doigts sur les accoudoirs dès qu’il prend un peu de vitesse.

Une petite image qui n’a rien à voir avec le propos mais qui aide à atténuer un peu l’intolérable tension qui j’en suis sûre a saisi le lecteur qui se demande comment Michèle va pouvoir tromper la mort une seconde fois. Nos nouveaux vélos ne sont-ils pas magnifiques?

Et comme si ça ne suffisait pas, après une secousse, un gros bruit de chute se fait entendre. Terrorisés nous nous retournons pour voir ce qui est tombé sur la route, espérant de tout cœur qu’il ne s’agisse pas des vélos. Heureusement, c’est un gros carton qui, mal attaché, s’est fait la malle et est éventré sur la route.

A mi-pente, arrivés dans la ville de Kasi, ou quasi-arrivés en quelque sorte, les freins ont trop chauffé et lâchent… Non je plaisante, mais ils ont tellement chauffé que le conducteur s’arrête à une station essence pour les asperger d’eau fraîche. Et c’est JJ qui surveille les opérations !

ça fait un beau nuage de vapeur!
« Faut faire ça bien, mon gros »

Une fois les freins un peu refroidis, nous reprenons la route, mais désormais, la mâchoire des freins est tellement serrée que nous ne pouvons plus ni avancer ni reculer ! Et hop, revoici le chauffeur allongé sous son bus, à essayer de desserrer un peu la mâchoire pour que nous puissions rouler. Nous repartons, puis nous nous arrêterons encore un peu plus loin pour renouveler l’opération d’arrosage et manger un peu. Mine de rien, cela fait un sacré moment que nous roulons. Nous qui avions pris le premier bus du matin pour profiter de notre après-midi à Vang Vieng, c’est très compromis. Mais bon, à ce moment-là, nous nous disons que si nous arrivons entiers, même à minuit, ce sera déjà ça.

Finalement, les sombres prévisions de JJ ne se réaliseront pas, les freins chauffent mais tiennent bon, le chauffeur râle mais assure, et nous mène tous sains et saufs à Vang Vieng, à l’exception d’un malheureux carton rempli de vaisselle. Nous sommes tout heureux et soulagés de descendre enfin du bus et avons une petite pensée émue pour tous les autres passagers qui n’ont fait que la moitié du chemin jusqu’à Ventiane.

Et Michèle fête sa survie à la bière, parce que maintenant, elle adore ça!

Enfin bref, les vacances avec JJ et Michèle, c’était épique mais top ! Nous avons le cœur un peu serré de les voir repartir en bus depuis Vang Vieng jusqu’à Luang Prabang pour aller prendre leur avion, mais c’est surtout car désormais nous connaissons bien les dangers des transports publics. Surtout que pour ne rien arranger à l’affaire, il a plu toute la nuit et que la route au sommet du col n’est pas goudronnée.

(Ce fut épique, mais à la seconde fois, ils parvinrent à passer!)

Et aussi parce qu’ils vont nous manquer ! De notre côté, nous laisserons quelques jours passer à Vang Vieng pour préparer nos fières (et sûres) montures à pédale, puis prendrons le chemin du Sud Laos et de la Thaïlande.

5 réflexions au sujet de « Jours 167 et 181 : Nos aventures au Nord Laos avec Michèle et JJ, en sac à dos, vélo, moto, bateau, et en tuk tuk! »

  1. Un petit coucou de Martine et Joel, cyclistes de l’Indre croisés sur une piste ensablée en Pologne sur la Green Vélo ( http://worldliebe.fr/wp-content/uploads/2018/08/IMG_0099-300×200.jpg )
    Nous suivons régulièrement vos récits qui nous font voyager à distance.
    Nous partons le 13 février pour un mois en Thaïlande, Laos, Cambodge, hélas sans nos vélos.
    Quelles sont vos prochaines étapes ?
    Nos routes se croiseront peut être de nouveau ?
    Bonne route et bon voyage

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    1. Bonjour Martine et Joël, ça fait plaisir d’avoir de vos nouvelles! Nous sommes à l’extrême Sud du Laos et entrerons bientôt au Cambodge, que nous allons traverser d’Est en Ouest pendant le mois de février, puis nous serons en Thaïlande au mois de mars. Ce serait super de s’y croiser!

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      1. Bonjour les amis cyclos,
        nous prenons l’avion le 13 février pour Bangkok.
        Nous serons à Phnom Penh le 15 et peut être le 16, ensuite nous irons à Siem Reap pour visiter Angkor pendant 3 jours puis cap au Nord : les 4000 iles, Pakse, Vientiane, Luang Prabang…
        Ensuite retour en Thaïlande pour faire la route des 1863 virages au départ de Chiang Mai en passant par Pai et Mae Hong Song
        Pour terminer, si nous en avons le temps, une semaine de vélo (si nous trouvons de bons vélos à louer) dans le sud de la Thaïlande.
        Voici l’adresse du blog pour le voyage : https://thailandefevrier2019.blogspot.com/
        Nous allons nous retrouver, je le sens bien, soit au Cambodge au début de notre voyage, soit en Thaïlande sur la fin.
        Bonne route et à bientôt
        Martine et Joel

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  2. Tiens je savais pas que Robert Hue était devenu chauffeur de moto au Laos…
    Hahaha !
    Bisous !

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  3. Salut à vous neveu et quasi nièce !
    Que de lectures et de photos. Ca fait vraiment envie.
    Au détour d’un virage, si vous croisez 2 autres français accrocs du 2 roues, vérifiez si ce ne sont pas Noémie et Antoine. Ils vont prendre votre suite… en prolongeant quelques peu. A suivre aussi sur le lien suivant.
    C’est promis, c’est juré, dès que la neige est fondue je regonfle mes pneus.
    Bisous et à +

    https://www.lenvolavelo.com/

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