Après avoir passé presque deux mois au Laos, avec un petit interlude thaïlandais au milieu, nous voilà partis à la découverte d’un nouveau pays : le Cambodge. Nous avons prévu de prendre tout d’abord la direction de la capitale, Phnom Penh, puis nous irons voir la mer, avant de remonter vers la ville de Siem Reap, où nous devons retrouver ma sœur Claire et sa copine Aurore pour visiter les temples d’Angkor.
Mais tout d’abord nous pédalons vers la ville de Kratie (qui se prononce Krotché), située au bord du Mékong à deux cent kilomètres de la frontière laotienne, et où nous espérons voir les fameux dauphines d’Irrawady. Cette première étape s’annonce un peu dure car la saison sèche fait rage et le soleil brille d’un cuisant éclat, mais nous sommes aussi heureux de découvrir le pays khmer, ses paysages, sa culture et son histoire.
Jours 202 à 205, 1er au 4 février : « Pause chill aux 4000 îles »
Avant de quitter le pays des laos pour celui des khmers, nous profitons de quelques jours de pause sur l’île de Don Det, appartenant à l’archipel dit des « 4000 îles » du Mékong, tout au Sud Pays. Les 4000 îles ou « Si Pan Don » sont une destination touristique phare du Sud Laos en dépit du fait qu’il n’y ait pas énormément de choses à y faire ou à y voir, en dehors de larges chutes d’eau. C’est même le principe de base : on n’est pas ici pour courir partout mais pour se reposer, prendre le temps, regarder couler le fleuve du fond de son hamac… Et si on fait des activités, comme aller admirer les chutes d’eau, marcher un peu ou découvrir les îles on le fait doucement, tranquillement et aux heures les plus fraîches.
Et ce programme nous va très bien, d’autant plus que Victor tombe un peu malade, on ne sait trop pour quelle raison précisément (quoi qu’on puisse conjecturer un lien entre maux de ventre et eau du robinet, quand on s’aperçoit qu’elle est puisée directement dans le Mékong, et donc en principe impropre à toute consommation, même le brossage de dents). Quoiqu’il se soit passé, Victor a donc besoin de se reposer, raison pour laquelle nous nous accordons un jour de pose supplémentaire.
Après s’être donc à la fois baladés et reposés, nous décidons qu’il est temps de partir et mettons le cap vers le Cambodge, situé à trente kilomètres à peine de notre île. Le passage de la frontière ne s’annonce pas des plus commodes car les douaniers qui y opèrent ont la réputation de prélever une importante taxe de passage aux voyageurs.
Pour la petite histoire, la plupart des touristes transitant en bus, les chauffeurs ont coutume de proposer à leurs passagers de faire les démarches de visas pour eux, leur demandant la somme de 40 dollars par personne, quand le visa en lui-même ne coûte que 30 dollars. Les 10 dollars supplémentaires sont partagés fifty/fifty entre le chauffeur et les militaires du poste frontière, faisant donc de cette frontière de Stung Treng, située in the middle of nowhere, une manne financière pour douaniers cupides.
Si les passagers du bus refusent de payer le chauffeur, ils doivent alors descendre du véhicule et faire la procédure eux-mêmes – qui souvent leur coûte quand même 35 dollars puisque les douaniers tiennent à leur petit cadeau – sans avoir la certitude que leur bus les attende. Le problème est bien connu des voyageurs et c’est presque devenu un défi, souvent relevé, que de réussir à passer la frontière sans payer l’officieuse taxe de passage. Ces petites résistances à la corruption mettent, paraît-il, les douaniers dans une fureur noire et peuvent immobiliser les récalcitrants à la frontière pendant plusieurs heures.
Nous ne savons donc pas trop à quoi nous en tenir, puisque nous n’avons pas très envie de nous faire soulager de dix dollars supplémentaires chacun pour passer la frontière mais, dans la mesure où nous avons 85km à parcourir à vélo jusqu’à la première ville du Cambodge où trouver un hébergement, nous ne pouvons pas non plus passer toute la journée à combattre le vice et la corruption à la frontière…
En bref, ce premier jour dans un nouveau pays promet d’être des plus rocambolesques, et nous nous préparons avec un peu d’appréhension.
Jour 206, mardi 5 février : 85km et 178m de dénivelé : « Des 4000 îles à la ville de Stung Treng au Cambodge, ou l’épreuve de la frontière corrompue »
Aujourd’hui, nous avons un peu plus de 80km à faire pour aller trouver un hébergement dans la première ville que nous croiserons au Cambodge, Stung Treng. Entre elle et les 4000 îles d’où nous partons, il n’y a pas grand-chose sur la carte : pas de villages, pas de forêts, simplement une vaste étendue de champs pour la plupart réduits actuellement en cendres par les brulis. Des voyageurs à vélo nous ont déjà prévenus que les coins sont relativement inhospitaliers, et peu propices au bivouac, raison pour laquelle nous préférons donc aller jusqu’à une ville pour trouver un hôtel.
Tout est une question d’organisation : il nous faut partir tôt des 4000 îles afin de passer la frontière quand il n’y a personne, et ainsi pas perdre de temps, faire rapidement les formalités en essayant si possible d’échapper à la « taxe de passage » officieuse pratiquée par les douaniers, puis rouler 60km au Cambodge et arriver avant la tombée de la nuit à Stung Treng.
Sur le papier, c’est parfait, mais en réalité, nous perdons déjà du temps dans la matinée, car nous petit-déjeunons avec un sympathique couple alsaco-bisontin rencontré la veille, puis sommes interceptés par un bavard cyclovoyageur allemand, pédalant sur les routes du monde entier depuis trois ans.
Déjà très en retard sur notre planning initial, nous nous rendons tout au Sud de l’île de Don Det afin de prendre une petite embarcation qui nous déposera près de la frontière. Le coin est si caché et l’embarcation du passeur si petite que nous avons un peu la sensation que nous allons pénétrer clandestinement au Cambodge. Pourtant le batelier ne nous emmène pas aussi loin que nous ne l’avions cru, et nous nous retrouvons à pédaler nos vingt derniers kilomètres au Laos jusqu’à la frontière.
Nous voilà ensuite à la dite frontière, entourée de toutes ces légendes sur les vilains douaniers corrompus et les héroïques vacanciers parvenant à déjouer leurs odieux pièges. Les joyeusetés commencent dès le guichet laotien, quand le douanier, inspectant nos passeports, tend ensuite la main en exigeant « money ! » Il ne prend même pas la peine de nous expliquer qu’il réclame une taxe à payer qui peut être de 1 ou 2 dollars en fonction de critères non explicités, mais indiqués sur une pancarte (ce qui ne préjuge pas de la légalité de la taxe, car nous n’avons rien eu à payer de la sorte en sortant du Laos la première fois)
Tout en nous penchant pour essayer d’apercevoir le guichetier derrière sa vitre teintée, nous faisons donc un peu les idiots : « ah tiens c’est bizarre cette taxe, on n’a pas eu à la payer la dernière fois qu’on est sortis du pays » disons-nous tout en montrant notre premier tampon de sortie pour appuyer notre propos. Du peu de ce qu’on peut distinguer de notre interlocuteur, celui-ci a l’air un peu irrité, mais il ne répond pas, manipule un peu nos passeports puis nous les rend.
Pensant qu’il a mis le tampon nécessaire à notre sortie du pays et satisfaits d’avoir échappé si aisément à cette première entourloupe, nous empochons les passeports et remontons sur nos vélos, pour atteindre le poste frontière cambodgien après le No Man Land, quelques centaines de mètres plus loin.
Nous y trouvons une flopée de touristes occidentaux qui jouent aux cartes en attendant depuis deux heures, comme ils nous l’expliquent, que des douaniers cambodgiens, passablement énervés, rouvrent les guichets qu’ils leur ont fermé au nez quand ils ont exigé de payer le « vrai prix » du visa soit 30 dollars.
Apparemment la résistance anti-corruption des touristes occidentaux met les douaniers hors d’eux, ils ont hurlé et jeté les passeports au sol, menacé et fermé les guichets. Cependant, forts de leur nombre, les récalcitrants à la taxe de passage tiennent bon. Ils n’ont plus grand-chose à perdre, leur bus étant déjà reparti sur les routes cambodgiennes, et il n’est pas question pour eux de céder à ce qu’ils perçoivent comme une injustice.
Nous hésitons sur la marche à suivre de notre côté : nous joignons-nous au groupe pour relever avec eux le défi du passage de frontière « au vrai prix » ou préférons nous passer en acceptant la taxe officieuse, sachant qu’il est déjà tard et que nous avons plus d’une cinquantaine de kilomètres à faire pour atteindre notre objectif de la journée ?
Le douanier laotien a en fait choisi pour nous : nous ne nous en sommes pas aperçus avant, mais en comparant nos passeports avec ceux des français rebelles, nous découvrons qu’il n’a pas apposé le tampon de sortie du pays, faute d’avoir payé sa taxe. Nous rebroussons donc chemin vers le Laos pour obtenir le fameux tampon et nous nous attendons à devoir batailler. Mais, contre toute attente, le douanier reprend gentiment nos passeports, y appose les tampons l’air de rien et nous rend les passeports sans mots dire. Désormais en règle, nous retournons au poste de frontière cambodgien où la situation s’est débloquée. Les touristes occidentaux ont obtenu gain de cause, les douaniers ont rouvert leurs guichets et délivrent les visas à 30 dollars. Nous profitons donc du mouvement et obtenons les nôtres sans avoir à négocier ; on prend nos empreintes digitales, on nous fait remplir des papiers, et après quelques minutes, nous revoilà sur les vélos.
Nous retrouvons les touristes occidentaux, désormais sans bus, qui se divisent en deux groupes : certains vont chercher à monter dans un autre bus, tandis que les autres vont tenter de faire du stop, ce qui nous semble plutôt mal engagé dans la mesure où il y a très peu de circulation à ce poste frontière situé au beau milieu de nulle part. Pour une fois, nous nous disons que nous serons plus rapides à vélo.
Nous voilà donc lancés à la découverte du Cambodge, sur une route droite écrasée de chaleur, dans un décor de petits bois desséchés et de champs noircis par de récents brulis.
Sur cette route déserte et monotone, il n’y a pas grand-chose à faire ou à voir, si ce n’est à un moment ce long serpent jaune et vert qui traverse tranquillement la route en de lentes reptations, ses écailles accrochant les rayons du soleil. Alors que nous arrêtons prudemment pour le laisser passer, il se fige et nous fixe, puis rebrousse chemin.
Sur la route, et notamment au début, près de la frontière, il y a si peu d’habitations que nous craignons un peu pour notre ravitaillement en eau : nous n’avons pas prévu beaucoup alors même que le niveau d’eau dans nos gourdes dégringole si vite qu’on pourrait croire qu’elle s’évapore. Par contre, la route ne manque pas de grands panneaux nous informant, à peu près une cinquantaine de fois (soit à peu près tous les kilomètres) que c’est le Parti du Peuple Cambodgien qui est au pouvoir.
A un moment, nous sommes doublés par un 4X4 dont la benne est remplie de « falangs » (mot signifiant « étrangers » en Asie du Sud-Est) qui nous saluent : nous reconnaissons les récalcitrants de la frontière, qui ont finalement trouvé un moyen de transport. Le 4X4 ne les emmène pas loin, car nous les retrouvons un peu plus loin, dans le premier village après la frontière. Dans ce bourg aux allures de western, étendu dans la poussière le long de la route, nous trouvons à remplir nos gourdes à la bonbonne d’une station essence puis nous repartons.
Après ce bourg, les bords de route se font moins déserts, et des habitations apparaissent tous les 500 mètres environ, dessinant de longs villages clairsemés constitués de maisons en bois sur pilotis. Elles sont un peu différentes de celles du Laos et de l’Isan : plus hautes (parfois même très hautes), elles sont plutôt carrées que rectangulaires, et leurs planches de bois clair sont clouées verticalement et non pas horizontalement. Les distances étant assez grandes entre les maisons, nous nous demandons un peu comment les enfants se déplacent et vont à l’école. Ceux-ci, dès qu’ils nous aperçoivent, nous saluent joyeusement, mais ils ne le font jamais dans leur langue, préférant dire « hello ». Ceci fait que même après avoir pédalé toute une journée au Cambodge, nous ne savons toujours pas le soir venu comment se prononce le bonjour khmer, « sos dey ».
Au bout d’une après-midi assez longue dans une chaleur éreintante et un paysage monotone, nous arrivons enfin et de nuit à Stung Treng, et nous sommes une nouvelle fois doublés par les autostoppeurs de la frontière. Après avoir passé le pont au-dessus d’un fleuve qui n’est plus le Mékong mais le Sékong, et qui fait office de « place to be » pour les jeunes gens (ils y viennent se bécoter en amoureux ou prendre des selfies en groupe), nous longeons les quais de la ville. Ceux-ci, alors qu’il est 18h30, sont très animés : des tables ont été installées, et tout le monde prend l’apéro et se restaure, dans une ambiance de fin de journée qui nous paraît très agréable. Nous nous y poserions bien, mais il nous faut d’abord trouver un hôtel, nous installer, nous laver… Et trouver un hôtel n’est pas si évident. Parvenus au centre-ville, nous essuyons plusieurs échecs, que ce soit parce que les hôtels sont complets, ou parce qu’ils sont trop chers. Il faut dire, mais nous ne le savons pas à ce moment-là, que c’est le nouvel an chinois, ce qui peut expliquer l’animation du centre-ville ou des quais.
La ville de Stung Treng d’ailleurs, dont les habitations se distinguent beaucoup de celles des campagnes, nous paraît très chinoise. C’est le cas de son architecture notamment, avec ses immeubles hauts, grands carrés de béton recouverts de carrelage et agrémentés de rampes ou balcons en alu. Ça n’est donc pas bien beau, et il y a beaucoup de circulation sur les grandes artères.
Nous trouvons finalement une chambre à 8 dollars, située au dernier étage d’un gros immeuble carré, dans un hôtel tenu par une sympathique famille ; la grand-mère me fait signe de m’asseoir un peu auprès d’elle en attendant le retour de Victor, monté visiter les lieux, et me fait un peu la causette en mime et khmer. Victor, pendant ce temps, se fait palper par le propriétaire de l’hôtel, qui prétend lui masser ses cuisses fatiguées. Cela part sans doute d’une bonne intention, mais c’est un peu gênant, et, chose amusante (enfin plus pour moi que pour lui) ça n’est pas la première fois que Victor se fait ainsi tripoter.
Notre chambre ayant pris le soleil toute la journée, il nous est impossible d’y rester cinq minutes après notre douche sans transpirer à grosses gouttes. Nous la fuyons donc pour aller découvrir un peu Stung Treng, et chercher quelque chose à manger. Dans des stands de rues, nous trouvons une espèce de volaille rachitique cuite à la broche, que nous décidons d’accompagner d’une salade et de fruits, mais aussi d’un Coca pour Victor, qui a un petit coup de mou. Avec sa grosse dose de sucre, le coca-cola lui fait de temps en temps office de potion magique, et c’est vrai que nous avons parcouru aujourd’hui près de 80 kilomètres en une grosse demi-journée par 40°C !
Comme toujours à chaque entrée dans un pays, nous nous débattons un peu avec la nouvelle monnaie. Au Cambodge, c’est encore plus compliqué qu’ailleurs, puisque, avec les interventions humanitaires liées à la chute du régime des Khmers Rouges, le marché a été inondé par les devises étrangères et notamment les dollars. La monnaie américaine s’est tellement répandue qu’elle est devenue la monnaie principale du pays, surtout pour les gros achats, tandis que la devise locale, le riel, sert de petite monnaie. On paye donc souvent ses achats en dollars, mais on noud rend la monnaie en riels, qui vaut 4000 fois moins. Pour un achat d’1,50 dollars, on donnera ainsi un billet de 2 dollars et on nous rendra 2000 riels. Pas très pratique, surtout au début, et puis on s’habitue !
Jour 207, mercredi 6 février : « Joker bus pour aller à Kratie »
Pour notre seconde journée au Cambodge, nous optons pour le bus plutôt que le vélo. La raison en est que le trajet pour atteindre la prochaine grande ville, Kratie ne peut se faire que sur une seule grosse route, un grand axe auquel il n’y a pas d’alternative, pas très intéressant et trop emprunté. De plus Victor se sent encore un peu faible des suites de sa tourista laotienne, et a besoin de se reposer. Nous nous économiserons donc 100 kilomètres, qui n’avaient au demeurant pas l’air bien fun.
Notre bus étant à 12h, nous prenons notre temps pour nous lever, et décidons d’aller découvrir le marché de Stung Treng, car nous avons depuis le début de notre voyage une véritable passion pour les marchés, surtout alimentaires (en bons « Caradoc et Perceval » du voyage à vélo). Pourtant, après 10 minutes à peine au marché de Stung Treng, nous en avons déjà plein les bottes. La configuration des marchés couverts au Cambodge les rend peu agréables à y flâner ou à y faire ses courses : les stands alimentaires sont situés à l’extérieur du marché couvert, tout autour de celui-ci, et donc dans la circulation. On ne peut donc pas faire un pas sans devoir se décaler pour laisser passer un scooter qui parcourt une allée trop étroite pour lui, il faut se faxer pour accéder à un étal, et l’ensemble de l’exercice, dans le bruit et les odeurs de poisson, donne vite mal au crane.
A la gare routière, à notre grand soulagement, on accepte tout de suite les vélos, moyennant un supplément. Nous sommes rassurés, car ce n’est pas toujours évident de faire transporter les vélos, et là, ils sont passés comme une lettre à la poste. Et c’est bizarre pourtant, car les bus sont tout petits et n’ont pas de soute !
C’est que nous n’avons pas encore compris comment le chauffeur compte les faire voyager…Sous nos yeux à la fois ébahis et inquiets, il faxe le vélo de Victor derrière son siège, presque sur les genoux des passagers (ce qui nous fait un brin culpabiliser). Puis nous le voyons déballer un ensemble de cordes et attacher ma monture à l’arrière du minibus avec l’aide d’un complexe système de nœuds et de son assistante. Contre toutes (très angoissées) attentes, ça tient bien !
Une fois arrivés sans encombres à Kratie, grâce à une bonne route (on avait un peu oublié ce que c’était) et un bon conducteur (et heureusement car nous sommes serrés comme des sardines), nous pouvons alors découvrir Kratie. La ville est encore bâtie à la mode chinoise (constructions en hauteur avec carrelage et rambardes brillantes) et, malgré un long « front de fleuve », elle n’a pas beaucoup de charme ni d’animation le soir venu. Nous n’y serions pas restés, si ce n’était l’attraction principale de la ville : les dauphins !
Jour 208, jeudi 7 février : « A la rencontre des dauphins d’Irrawady »
Dans les coins vivent les derniers dauphins du Mékong, qu’on appelle aussi dauphins d’Irrawady, et que l’on peut aller observer en bateau. Il y en avait aussi dans les 4000 îles au Laos, mais au nombre de… 4 seulement, selon les recensements. L’idée d’aller embêter les quatre derniers représentants de l’espèce nous avait alors embêtée, alors que côté Cambodge, des programmes pilotés par WWF ont permis leur protection et l’organisation du tourisme autour d’une population qui compte plus d’une soixante d’individus… Leur avenir n’est cependant pas bien assuré, en raison de la pollution du fleuve et de la construction de barrages qui modifie son cours et interrompent les voies migratoires des poissons.
Dans la journée, nous profitons donc d’un peu de temps pour faire du blog à Kratie, puis, en fin d’après-midi, nous louons un scooter pour nous rendre à l’embarcadère des dauphins, 16km en amont de la ville.
Nous redoutions un peu la grosse machine touristique qui consisterait à s’entasser dans de gros et bruyants bateaux à moteurs afin de pourchasser ces pauvres dauphins dans un crépitement incessant de flashs ponctués par les hurlements des enfants « flippeur, flippeur, saute ! »… Mais heureusement il n’en est rien. Il n’y a pas beaucoup de monde et les conducteurs des bateaux, des pêcheurs reconvertis, n’ont même pas besoin de mettre en marche les moteurs de leur petite embarcation car les dauphins ne sont qu’à quelques mètres du bord.
Avant même de monter sur une embarcation, nous les voyons remonter doucement à la surface pour respirer, découvrant furtivement leur dos gris et nous tirant d’ores et déjà des sourires béats.
Une fois sur le bateau, il suffit de tendre l’oreille et de tourner la tête vers le bruit de respiration pour les apercevoir, des fois à quelques mètres à peine du bateau, nageant tranquillement ou batifolant un peu en groupe. Par contre, ça n’est pas les dauphins bleus et bondissants des parcs d’attractions ou des films : ils ont l’élégance et la légèreté de lamantins (de patates de mer, donc) et ne sautent pas mais affleurent plutôt paisiblement à la surface. On peut donc espérer voir un aileron ou un bout de nageoire, guère plus, mais le spectacle en vaut largement la chandelle.
En quittant la baie des dauphins, au lieu de repartir vers Kratie, nous poursuivons un peu vers l’amont du Mékong, car un pont aperçu de loin a attiré notre attention. Nous découvrons, en même temps que le pont, une espèce de petite station balnéaire sur pilotis, constituée de restaurants et de hamacs, où les gens semblent être venus passer la journée.
Dans une ambiance très agréable et festive les enfants se baignent, les familles déjeunent et les jeunes picolent, à en juger par leur haleine houblonnée quand ils prennent la pause avec nous. Ici, seuls étrangers (car ça n’est pas le genre d’endroit qui figure dans les guides touristiques), nous ne passons pas inaperçus, mais nous sommes très bien accueillis, tout le monde nous saluant, surpris mais amusés de nous voir ici, et Victor se fait même allumer par une jeune cambodgienne de 18… mois, qui lui fait des sourires et lui envoie des baisers avec la main. Ravis de cette découverte, nous nous serions bien arrêtés dans des hamacs pour profiter de l’ambiance, mais le site va fermer et se vide, et de plus Victor, à l’estomac encore convalescent, se refuse à goûter la spécialité du coin, de gros escargots noirs, à priori cuits avec des herbes comme par chez nous.
Le soir, tout contents de notre sortie dauphin, nous nous offrons un petit restaurant un peu plus haut de gamme que notre cantine de la veille, où l’on a découvert un classique khmer, le lok-lak (émincé de bœuf mariné et poêlé servi avec de la tomate et du riz). C’est une école hôtelière créé par un suisse, et qui forme ses jeunes élèves à la restauration à l’occidentale, institution assez courante au Cambodge. Il y a encore sans doute un peu d’apprentissage à faire pour notre serveur, car celui-ci, peut être peu au fait de l’organisation d’un repas en plusieurs plats à la française, nous apporte en même temps le plat principal, le dessert et le café. Mais qui a dit qu’on devait nécessairement finir par le sucré ?
Et demain, fini de rigoler, nous reprenons la route à vélo en suivant le Mékong et en direction de la capitale du Cambodge, Phnom Penh!
Une réflexion au sujet de « Jours 202 à 208 : A la découverte du Cambodge, de la frontière des 4000 îles à la ville de Kratie »
Nous attendons la suite du voyage même si Nicole et Christian nous ont montré des photos de leur séjour avec vous.
Super les photos.
Bill & Anne