Quelques jours après notre entrée au Cambodge, nous quittons la ville de Kratie et ses dauphins pour continuer notre route vers le Sud et la capitale Phnom Penh, en longeant un Mékong de plus en plus large sous un soleil de plus en plus brûlant…
Jour 209, vendredi 8 février, 74km et 46m de dénivelé : « voyage au fil du Mékong sous le soleil brûlant du Cambodge »
Aujourd’hui nous quittons Kratie pour prendre la direction de Kampong Cham, une petite ville touristique posée sur les rives du Mékong, située à une centaine de kilomètres.
En partant, nous passons par un marché pour nous ravitailler et sourions un peu en constatant que beaucoup de femmes font leurs courses matinales dans des pyjamas à pois ou à fleurs, mais nous réaliserons plus tard qu’il s’agit en fait de tailleurs colorés très en vogue.
Désireux d’éviter les grandes artères à la sortie de Kratie, nous prenons un bac pour atteindre l’autre rive du Mékong et nous découvrons de magnifiques paysages de rizières, des plantations de manguiers et de bananiers, étonnamment verts en dépit de la chaleur.
La route est belle, mais la piste et le vent de face nous imposent une moyenne très basse et usent nos forces, si bien que nous faisons le choix de retraverser le Mékong un peu plus loin. Après avoir joué à poursuivre des enfants à vélo morts de rire, nous patientons à un nouvel embarcadère, puis retrouvons la rive gauche du Mékong, avec une route plus praticable.
Sur cette route goudronnée, nous sommes interloqués par la manière dont conduisent et se conduisent les voitures et surtout les 4X4 : ils déboulent à toute berzingue et ne daignent pas ralentir dans les villages, même quand des gens y ont installés des étals ou que des enfants y jouent. Ils préfèrent casser les oreilles de tout le monde avec leur klaxon pour prévenir qu’ils ne feront pas de quartier et, quand la route n’est pas large, pour contraindre les scooters et vélos à leur laisser la place en se jetant dans le fossé. Et le pire, c’est que les gens le font, comme si le fait de posséder une grosse bagnole – et donc d’être riche – devait donner tous les droits à l’automobiliste, y compris celui de se conduire comme un criminel.
Après une pause dans le jardin d’une propriété abandonnée et en ruines, nous continuons notre progression, mais l’après-midi est longue, très longue. C’est parce que le vent de face est fort, très fort et il fait chaud, très chaud. Le soleil est si brûlant que, pour la première fois, il nous impose le port de manches longues, en dépit de la chaleur. La journée est donc fatigante, d’autant plus que, comme au Laos, les abords du Mékong sont très habités ; il n’y a pas à proprement parler de villages, mais plutôt une agglomération continue.
Et qui dit agglomération continue, dit pour nous salutations et interpellations continues. Les enfants cambodgiens semblent jouer au mêmes jeux que leurs petits voisins laotiens ou vietnamiens, et nous gratifient de grands et forts « hello » dès qu’ils nous voient, parfois imités par les adultes. C’est très sympathique évidemment mais aussi épuisant : interpellés toutes les deux minutes nous avons l’impression de ne pas avoir le temps de nous concentrer sur quelque chose, ou au contraire de laisser nos pensées divaguer.
Et c’est également un peu frustrant car nous nous rendons compte que nous ne pouvons pas répondre à toutes les salutations, au risque de vite nous épuiser. Nous adoptons alors la stratégie de l’alternance des trois différents saluts : une fois on répond « hello », l’autre fois on fait coucou de la main, et la troisième fois on fait un signe de tête. Cette alternance est essentielle, car celui qui espère pouvoir faire à la fois coucou de la main, « hello » et un échange de regard avec chaque personne qui l’interpelle n’ira malheureusement pas très loin.
Au fil de la route, nous découvrons avec surprise que les environs sont habités par des cambodgiens musulmans, en témoignent les belles et nombreuses mosquées, les femmes et les filles voilées, ou encore les petits croissants de lune en haut des toits. C’est d’ailleurs une nouveauté dans la décoration des maisons sur pilotis : les toits, en tôle mais aussi parfois en tuiles, sont ornementés de croissants pour les familles musulmanes, et de stupas pour les familles bouddhistes. Nous nous arrêtons d’ailleurs près d’un petit restaurant tenue par une jeune fille toute voilée de violet et parlant bien anglais, pour lui acheter des saucisses pimentées et des brochettes de viande marinée.
A la fin de la journée, après 80km qui, avec le soleil et le vent nous en ont paru être 120, nous nous arrêtons devant une petite guesthouse sans nom, la seule à des kilomètres à la ronde. Nous avions pensé à demander l’hospitalité dans un temple, car nous savons que cela peut se faire et que nous en avons vu beaucoup tout au long de la route, mais, alors que la nuit tombe, nous n’en voyons plus ! Éreintés par la journée nous sommes assez contents, de plus, de pouvoir nous installer, manger et nous coucher en limitant au maximum la logistique du campement.
Les propriétaires de la guesthouse, un couple un peu âgé avec (au moins) un grand fils, sont très sympathiques mais ne parlent pas un mot d’anglais. Ça n’empêche pas le monsieur de nous expliquer le fonctionnement de la maison par gestes, et la dame, quand elle s’aperçoit que nous cuisinons, de nous amener des couverts. Saisie de curiosité à la vue de notre réchaud à essence, elle s’installe à côté de moi pour me regarder cuisiner, et son attention redouble une fois qu’elle a appris que nous sommes français. Malheureusement, c’est le soir où j’ai décidé de mélanger différents restes oubliés dans nos sacoches dans un bouillon de pâtes pour accompagner nos brochettes, et j’ai un peu honte du triste spectacle auquel elle assiste… Pendant le repas, notre hôtesse revient avec quelques photos de famille : la compagne d’un de ses fils est française, elle est déjà venue leur rendre visite ici même et eux s’en sont déjà allés lui rendre visite à Clermont-Ferrand (si on a bien tout compris entre les mimes et l’accent cambodgien)!
Jour 210, samedi 9 février, 55km et 54m de dénivelé : « Petite étape cramoisie jusqu’à Kampong Cham et son île du doux repos »
Le lecteur un tant soit peu attentif l’aura peut être remarqué, nous sommes déjà plaints maintes fois depuis quelques articles, et à longueur de celui-ci, du soleil brulant qui nous cuit à petit feu depuis notre arrivée au Sud de l’Asie du Sud Est, nous fait bronzer à vitesse grand V et nous empêche de dormir la nuit… Nous pensions avoir expérimenté la chaleur au Laos, et pourtant rien encore ne nous avait véritablement préparé à la terrible fournaise du Cambodge !
Comme pour empirer les choses, nous prenons depuis quelques temps un médicament antipaludéen qui a la très stupide propriété de nous rendre photosensibles, même quand nous le prenons le soir. Conséquemment, et en dépit des couches de crèmes solaire que nous nous appliquons consciencieusement, toute peau laissée au soleil plus de cinq minutes entre 11h du matin et 15h de l’après-midi se met automatiquement à frire. La douleur est si rapide et cuisante qu’elle fait un peu l’effet d’une vive piqure. Ça n’est pas bien pratique quand on voyage à vélo, voire absolument infernal !
Et ce jour du 8 février, ce jour même où sans doute en France vous grelottiez en resserrant votre écharpe autour de votre cou, fut un de plus terribles pour nous. Nous avions une cinquantaine de kilomètres à faire jusqu’à Kampong Cham, et très envie d’y arriver tôt pour profiter d’un après-midi paisible et ombragé sur l’île faisant face à la ville. Cela signifiait qu’il nous fallait partir très tôt et foncer pour arriver en fin de matinée, sous peine d’être bloqués par la chaleur infernale de l’heure du midi.
Cependant, malgré un lever exceptionnellement matinal et une bonne moyenne de vitesse, nous arrivons à Kampong Cham sur l’heure du midi, la plus chaude entre toutes les heures chaudes, et c’est sous un soleil incandescent que nous devons pédaler ! L’île où nous voulons nous rendre est reliée à la terre par un pont en bambou, longue et amusante construction saisonnière qui constitue l’une des attractions touristiques de la ville. Amusante, sauf pour nous, qui devons parfois porter le vélo, et surtout le pousser longuement à découvert alors qu’il fait près de 45°C !
Après quelques autres péripéties sur les chemins ensablés de la petite île, nous trouvons avec soulagement notre hébergement, et avons la surprise d’être salués directement en français par un groupe de (très) jeunes occidentaux torses nus qui discutent devant. La guesthouse, constituée de quelques paillotes auxquelles sont accrochés des hamacs, est tenue par un couple de français d’une trentaine d’années, mais ceux-ci sont partis en vacances et ont laissé les rênes de l’établissement à un petit frère de 19 ans et ses deux amis. Ceux-ci se sont fait d’autres amis, principalement des voyageurs français de passage, et il règne sur l’île de Kampong Cham une joyeuse et festive ambiance !
Nous nous y sentons illico très à l’aise avec cette impression de retrouver une bande de potes (et de rajeunir de quelques années), et sommes séduits par le cadre : belle vue sur le Mékong, petit plage, hamacs et poufs un peu partout. Le soir, nous nous croyons définitivement revenus en France, quand s’organise une soirée pizza et film, et, confortablement installés, nous décidons de prolonger un peu notre arrêt.
Jours 211 et 212 : repos, camaraderie et franchouilleries sur l’île de Kampong Cham
A la Bambou Hut de Kampong Cham, quand on est séduit par le cadre et l’ambiance, ce qui doit arriver souvent, on ne reste jamais une seule nuit. Pour notre part, notre petite pause va se transformer rapidement en un long arrêt de trois jours, pas très actif, un peu régressif, mais au final productif (en articles de blog, parties de dés et de palets bretons).
C’est aussi une étape qui nous permet de donner dans le nostalgique. A Kampong Cham, comme ailleurs au Cambodge – nous nous en apercevrons plus tard – , il y a de nombreux expatriés français, et ceux-ci ont beaucoup investi dans les infrastructures touristiques, ce qui n’était pas le cas au Laos où presque toutes les guesthouses étaient tenues par des locaux. Au Cambodge, beaucoup d’hôtels et de restaurants pour occidentaux sont tenus par des français, et nous en profitons un soir à Kampong Cham pour renouer avec le goût du pain, du vin (pas bon malheureusement), des rillettes, du magret fumé et même du bœuf bourguignon, le tout généreux, excellent et fait maison, chez un dénommé Moustache.
Mais après deux jours de pause, il nous faut ré-enfourcher nos vélos, car Phnom Penh nous attend, puis le Sud et ses plages, puis ma sœur Claire et sa copine Aurore, que nous devons rejoindre à Siem Reap, alors, en voiture, Simone ! Enfin, en vélo, Victor !
Jour 213, mardi 12 février, 80km et 50m de dénivelé : « En route pour Phnom Penh ! »
Après deux jours de pause, nous sommes tout ragaillardis pour reprendre le vélo, et heureusement, car la route n’est pas des meilleures ; même si l’on n’a plus le vent de face, les pistes poussiéreuses à la boue rigidifiée ou au sable meuble nous imposent un rythme assez lent.
Et malheureusement, encore une fois, nous nous retrouvons à devoir pédaler sous de grosses chaleurs, car nous sommes partis tard de notre guesthouse de Kampong Cham, mais aussi parce que nous avons dû, au bout de la jolie île du Mékong, attendre notre bac assez longtemps.
Nous n’avons plus le vent de face, ce qui est déjà bien, mais dès que nous nous éloignons un peu des rives du Mékong, pour couper un peu à travers la campagne et éviter la circulation, le vert des arbres et des rizières laisse place à un paysage desséché, noyé de soleil, et dont l’absence d’arbres et d’ombres est presque terrifiante.
Nous évoluons tout l’après-midi dans ce paysage plat et prenons le temps d’observer tout ce qui se passe sur la route. Les maisons de bois en pilotis ont souvent une entrée un peu kitsch, encadrées qu’elles le sont avec des rideaux de satin, et décorées par des portraits de famille aux cadres brillants. Souvent les escaliers qui y montent sont de simples échelles ou marches de bois, mais d’autres fois, ils sont plus amusants, car énormes, biscornus et rutilant, comme si les habitants de la maison avaient voulu innover ou se démarquer.
Les vaches du Cambodge sont elles aussi très impressionnantes, par leur blancheur immaculée ou la hauteur de leur garrot. Sans exagérer, il est très probable que les taureaux, magnifiques et fines créatures, atteignent presque deux mètres au garrot. Leur licol est décoré avec des perles ou de petites clochettes qui leur donnent un air distingué voire efféminé, et les fait tinter délicatement.
En fin de journée, alors que nous avançons au ralenti dans un chemin ensablé, nous sommes surpris par une manifestation météorologique inédite depuis de nombreuses semaines : il se met à pleuvoir ! Trois fois rien, quelques gouttes à peine, même pas de quoi nous mouiller sous la minuscule ondée, dont on peine à comprendre de quels nuages elle sort. Ces quelques petites gouttes de pluie nous font des taches plus claires sur notre peau recouverte de poussière, et nous fait ressembler à des dalmatiens.
Un peu plus loin, nous voilà arrivés à notre guesthouse, trente kilomètres avant Phnom Penh. Et nous qui sommes habitués à de petites auberges tenues très simplement par une famille, nous sommes surpris de trouver un hôtel plutôt grand, assez classe, et avec climatisation ! Nous fronçons un peu le nez devant le prix un peu plus élevé que d’habitude, mais finalement des fois, un peu de confort, c’est bien. Certains de nos beaux principes écologiques volent en éclat, ou plutôt fondent comme cyclistes au soleil du Cambodge : nous nous réjouissons de la clim alors que nous l’avons fuie jusqu’ici, et nous ne nous faisons pas prier pour ouvrir désormais les petites bouteilles d’eau fraîches souvent offertes avec la chambre. Alors qu’avant nous les dédaignions, en bons pourfendeurs du plastique et du commerce de l’eau en bouteille, aujourd’hui nous ne mettons pas 30 secondes à vider ses bouteilles d’eau, alternative bien agréable et fraîche à nos gourdes filtrantes remplies d’eau tiédasse…
Le gérant de l’hôtel est à la fois sympathique et bien serviable, offrant de nous aider à commander à manger dans le restaurant attenant (tenu par sa sœur, comme quoi c’est quand même une entreprise familiale) où tout n’est écrit qu’en khmer, prix y compris. Sur ses conseils, nous commandons un repas léger, une soupe et une crêpe. Mais léger, c’est sans compter la manière de manger la soupe et les crêpes au Cambodge, et nous nous retrouvons avec une dizaine de plats sur notre table, pour notre grand plaisir car nous n’avons mangé que des bananes toute la journée. La soupe khmer est en réalité une marmite de bouillon posée sur un camping gaz et qu’on peut remplir à loisir de verdure, de champignons, d’œuf, de viande et même de poisson, sur le mode de la fondue chinoise ou du barbecue lao. Et la crêpe, qui est fourrée au soja, à la viande et au poisson, se mange roulée dans une feuille de salade avec des crudités, puis trempée dans une sauce aux arachides.
Autant dire que nous faisons un repas de roi, pour moins de 9 euros à deux avec boissons, et goûtons des spécialités locales que nous ne rencontrerons malheureusement plus par la suite dans les endroits plus touristiques où nous nous rendrons. et ça, ça vous requinque un cycliste tout en lui faisant oublier toutes les petites misères de sa journée !
Jour 214, mercredi 13 février : « Arrivée à Phnom Penh et découverte de la ville »
Aujourd’hui c’est notre dernier jour de voyage jusqu’à la capitale de Phnom Penh, et c’est aussi une petite journée, puisque nous n’avons que 30km à parcourir. Arrivés non loin de la ville, nous embarquons dans un ferry qui traverse le Mékong pour nous déposer en périphérie de Phnom Penh, puis nous roulons encore, dans une circulation de plus en plus dense, pour atteindre la maison de Colin et Kathleen, deux canadiens qui nous accueillent en warmshover (le système d’hébergement solidaire entre cyclotouristes, sorte de couchsurfing pour voyageurs à vélo). Ils habitent une curieuse maison tout en hauteur, dotée de deux pièces à chacun de ses 5 étages ; au lieu d’être organisés à l’horizontal, les appartements le sont à la verticale, pourquoi pas ?
Comme l’appartement est grand, nos hôtes ont aménagé une chambre d’ami, squatté par un de leurs mignons chats, au dernier étage, et c’est là qu’ils nous hébergent. Après avoir bavardé avec Colin, qui s’est spécialisé depuis son arrivée dans la réparation de scooters, nous reprenons nos vélos pour rouler les 8km qui nous séparent du centre de Phnom Penh et de ses principaux points d’intérêts.
La circulation nous paraît de prime abord infernale dans le centre-ville de Phnom Penh où d’interminables nuées de scooters sillonnent les rues dans les odeurs de pot d’échappement. Il nous faut avoir une vigilance constante, et serrer un peu les fesses quand les deux roues motorisées nous frôlent à droite ou à gauche. Traverser un gros axe reste la gageure principale, puisqu’il n’y a pas de système de priorité ou de feux de circulation, mais nous finissons par comprendre comment le système fonctionne ; il faut s’imposer, forcer la priorité.
Les phnompenhois en scooter ont la méthode : ils attendent d’être plusieurs a vouloir traverser en même temps, s’avancent progressivement sur la route jusqu’à ce que la force du nombre l’emporte et qu’elle interrompe la circulation du gros axe. Nous n’avons pas toujours cette audace de nous imposer alors nous attendons nous même que les scooters s’engagent, et parfois un tuktuk (sorte de taxi composé d’une carriole tractée par une moto) nous prend en pitié et nous fait signe de se mettre à ses côtés pour profiter de sa poussée.
Nous qui n’étions plus habitués aux grosses agglomérations depuis le Sud de la Chine et la terrible ville de Nanning, nous nous faisons de bonnes émotions, mais remarquons quelque chose d’assez incroyable : malgré la densité de la circulation et la quasi absence de sa codification, malgré les embouteillages et la chaleur, personne ne râle, personne ne s’impatiente, ne crie ni ne s’insulte. Les cambodgiens restent d’un caractère égal et sont même polis et avenants puisqu’ils se laissent – et nous laissent – très rapidement la priorité.
Une fois nos vélos garés quelque part dans le centre de la ville, et après avoir mangé dans un restaurant pour découvrir une spécialité nationale khmer, l’amok de poisson (sorte de cake de poisson aux épices et au lait de coco cuit à la vapeur dans une feuille de bananier), nous nous baladons un peu à pied. C’est presque plus désagréable qu’à vélo, car il y a toujours beaucoup de circulation, des scooters partout, et absolument aucun trottoir où circuler paisiblement.
Alors qu’il est un peu tard pour aller visiter l’ancien camp de concentration et de torture des Khmers Rouges, le S21, et que notre hôte nous a déconseillé la visite du Palais Royal (cher et, de son avis, pas exceptionnel), nous décidons de nous rendre au centre culturel, où il y a des expos ainsi que des archives.
Un gentil bibliothécaire qui parle un peu français nous montrera même un documentaire sur Bophana, une des victimes du régime khmer devenue un symbole à la fois de l’amour et de la violence de la répression. Alors qu’elle devait vivre séparé de son mari (qui était également son cousin), toute relation affective étant interdite par le régime, Bophana entretenait avec lui une correspondance amoureuse secrète. Or les Khmers Rouges avaient promulgué le régime du Kampuchea Démocratique, sous lequel on allait collectiviser les moyens de production et « rééduquer » la population pour faire advenir une société agraire sans classe et sans religion. Les classes intellectuelles – et la catégorie s’entendait très largement puisqu’on pouvait être soupçonné et arrêté pour le simple fait de porter des lunettes ou d’avoir les mains propres – étaient condamnées à l’extermination. Les activités intellectuelles, comme l’écriture, étant donc interdites, Bophana et son mari/cousin furent arrêtés, internés au camp S21 de Phnom Penh, torturés puis exécutés.
Bophana, avec son beau visage et ses grands yeux noirs, est devenu un des symboles de la violence du régime, qui aurait fait entre un et deux millions de victimes (pour une population totale de 7 millions d’habitants !) Ses lettres, où elle parle des souffrances de son quotidien dans la société imposée par les Khmers Rouges, permettent de mieux comprendre le contexte terrible de cette période.
Bref, après le visionnage de ce documentaire dur mais très intéressant, nous nous baladons encore un peu dans les rues de Phnom Penh, afin de trouver une terrasse sympathique où prendre un verre et se restaurer. Mais ça n’est pas chose facile, et nous fuyons les quais et ses bars glauques qui ne s’affichent pas « girls friendly » (accessible/ bienveillant envers les filles) mais « friendly girls » (filles faciles), et où s’attablent de vieux occidentaux accompagnés de (trop) jeunes cambodgiennes fort peu vêtues.
Pour un premier jour, Phnom Penh ne nous fait pas une bonne impression, loin s’en faut, et nous décidons, sur le chemin du retour chez Colin, de quitter la capitale dès le lendemain, pour la région de Kampot. Nous n’avons pas eu le temps de tout visiter, ni de nous faire une meilleure impression de la ville, mais nous en aurons tout le temps quand nous y reviendrons la semaine prochaine.
Une réflexion au sujet de « Jours 209 à 214 : Dans la fournaise du Cambodge, petit périple de Kratie à Phnom Penh »
« Position de l’attente à l’asiatique » ou « Position toilettes à la turque » au choix
François