Jours 188 à 191 : De la frontière de Bueng Kan à la ville de Sakhon Nakhon, découverte progressive d’une Thaïlande rurale

Nous voilà donc en Thaïlande ! Après presque deux mois à arpenter le Laos, découvrir un nouveau pays nous stimule et nous roulons, nos mirettes grandes ouvertes, vers le Sud. Nous traversons la grande région de l’Isan, qu’on dit la plus pauvre de la Thaïlande, ainsi que la moins touristique, avec une première étape à Sakhon Nakhon, à 200km environ.

Jour 188, vendredi 18 janvier, 50km et 246m de dénivelé : de la petite ville de Bueng Kan à Phu Tok, premiers pas touristiques en Thaïlande

Pour notre première journée en Thaïlande, nous prenons un peu notre temps avant de partir affronter la chaleur. Tandis que Victor fait du rangement et du blog, je pars au ravitaillement. Et c’est toujours un peu difficile, quand on débarque dans un nouveau pays, de mener l’opération à bien.  Il faut en quelques sortes tout réapprendre : se repérer dans la nouvelle configuration de la ville, trouver le marché, se familiariser avec les spécialités locales, comprendre les moyennes de prix, se dépêtrer avec la nouvelle monnaie, ses billets et son taux de change.

Désormais, 1 euro vaut 36 bahts thaïlandais, alors qu’il valait environ 10 000 kips laotiens. C’est un peu plus compliqué pour faire la conversion (sans que cela ne soit insurmontable non plus), on a beaucoup moins de billets en poche (finie la sensation factice de richesse) et les pièces ont fait leur retour. Niveau prix de la vie, les tarifs pratiqués au marché nous semblent plus ou moins semblables à ceux du Laos, mais les restaurants sont plus chers, et surtout, la bière nous paraît hors de prix ! Que ce soit dans une gargote, un bar branché ou une épicerie, il faut ainsi compter au moins 70 bahts (soit ? Soit ? Environ 2 euros, c’est bien, vous avez suivi !) pour une bouteille de bière 66cl, soit le double du Laos. Et de pas mal d’autres pays !

Bref, après cette cruelle déconvenue, je découvre en faisant le marché que les thaïlandais mangent plutôt salé au petit déjeuner, se nourrissant de soupes ou de plats de pâtes, et je trouve d’étranges sandwichs au pain au lait fourrés au tofu et arrosés de ketchup… Il y a d’ailleurs beaucoup d’offre de restauration de type fast-food à l’américaine, et un nombre incroyable de sodas à la vente dans de petits stands. Par contre j’échoue à trouver le coin fruits du marché… Les gens se montrent patients avec moi quand je me dépêtre avec mes billets, souvent pliés en deux (les gens, pas les billets) par ma simple présence. A part quelques expatriés, il n’y a presque pas d’étrangers ici, puisque le coin n’est absolument pas touristique, et ma tête à l’air perdu les fait bien rigoler. Ce n’est pas méchant, mais c’est parfois un peu déconcertant, surtout de bon matin.

Après notre petit-déjeuner roboratif, il est temps de prendre la route vers une première destination assez proche, Phu Tok, où se trouve une falaise sacrée et un temple (le Wat Phu Tok), ainsi que l’unique guesthouse des environs. C’est l’attraction touristique majeure des environs, pour ne pas dire la seule ; autant dire qu’en Isan, nous sommes dans une Thaïlande bien différente de celle du Sud et des représentations que l’on peut en avoir.

Ce qu’il y a de très agréable à rouler en Thaïlande, c’est qu’il n’y a plus comme au Laos une seule et unique route poussiéreuse au goudron tout troué autour de laquelle la population est rassemblée de gré ou de force, mais une multitude de routes et de chemins qui rendent le pédalage bien agréable. Les villages que nous traversons à l’aide de ses petites routes sont très beaux et respirent la tranquillité et le bon vivre, avec leurs vastes et belles maisons de bois qui ont gardé une structure en pilotis et sont bien décorées de jardinets aux plantes exotiques. En décor de fond, les méandres du Mékong et la cordillère annamitique nous offrent un magnifique paysage. Les gens ne nous interpellent plus, et les enfants ne font plus coucou mais nous saluent avec un grand sourire si nous croisons leur regard ou que nous passons près d’eux.

Notre premier aperçu de la Thaïlande, avec sa tranquillité, ses pistes ombragées et son accueil souriant, nous séduit donc absolument. A une seule exception près cependant : les chiens. Ils semblent être l’absolu contraire de leurs propriétaires et sont très irascibles. De plus, ils ne se contentent pas d’aboyer mais nous prennent en chasse babines retroussées quand nous passons devant chez eux dans les villages. Tous les cyclovoyageurs étant passés par l’Asie du Sud Est en témoignent : les chiens sont une vraie plaie, et peuvent se montrer dangereux, mais jusqu’à présent, entre les chiens indifférents de Chine, les chiens strictement cantonnés à la garde de la maison du Vietnam et les chiens soumis du Laos, nous n’avions pas eu de problème majeure. Là, c’est autre chose, et nous sommes bien contents quand nous nous retrouvons dans la campagne et un habitat plus dispersé.

Nous passons d’abord par une route dont le goudron sans défaut nous permet de lever le nez, ce qui nous avait manqué au Laos, puis nous empruntons des chemins plus petits, où le goudron laisse place à des pistes en latérite. Il n’y a pas beaucoup de circulation : beaucoup moins de scooters qu’au Laos (et leurs conducteurs sont équipés de casques) mais davantage de 4X4, presque exclusivement tous blancs. La plupart sont vides, ce qui nous incline à penser qu’ils sont davantage un marqueur social qu’une véritable nécessité, mais nous considérons que c’est une bonne chose si nous avons besoin de faire du stop. Le dénivelé est faible, si bien que nous ne nous fatiguons pas beaucoup, mais il nous faut rester concentrés pour bien nous rappeler qu’il faut conduire à gauche, aussi saugrenu que cela puisse paraître, et nous commettons au début quelques erreurs.

Sur la route, nous alternons ainsi entre des routes à travers des bourgs qui ont des petits airs de villages de bord de mer, et des chemins à travers la campagne, qui filent entre des champs de palme et d’hévéa, mais qui ont quand même leur petit cachet, surtout quand ils sont encerclés par des marais.

Au détour d’un sentier forestier, nous découvrons un panneau jusqu’ici inédit, qui soulève chez nous à la fois excitation, gaîté, et une pointe d’appréhension. Le dit panneau indique ainsi : « caution elephant crossing », soit attention traversée d’éléphants.

« Attention pour qui? Pour eux ou pour nous? »

Nous scrutons dès lors les bois avec un peu plus d’attention, un peu comme nous l’avions fait pour les bisons dans l’Est de la Pologne, mais encore une fois, nous faisons chou blanc ; les éléphants s’avèrent aussi bons que les bisons en camouflage. A la réflexion, c’est même un peu bête d’avoir espéré : c’est comme pour les biches en France, ça n’est pas parce qu’on voit un panneau sur le bord d’une départementale qu’un de ces animaux va nécessairement sauter par dessus le pare-brise ou le guidon. La forêt que nous traversons laisse de surcroît de plus en plus place à l’exploitation de l’hévéa, et, en conséquence, de moins en moins de place aux éléphants.

Dix kilomètres plus tard, nous débouchons sur de petits étangs artificiels au bord desquels une entreprise familiale cultive des fraises. Au bout d’une chemin, nous nous arrêtons devant ce que notre GPS indique être une guesthouse (petite maison d’hôte), même s’il n’existe aucun panneau pour le confirmer. Cependant, deux femmes toutes souriantes jaillissent pour nous accueillir, et nous confirment, avec quelques mots d’anglais et surtout des gestes, que nous sommes arrivés à bon port.

Au bout de la route, le bar/restaurant/boutique/salon de coiffure de la guesthouse

Comme nous l’apprendrons un peu plus tard, il s’agit de Daotaï, qui s’occupe de la guesthouse, et de sa voisine. Elles tiennent ensemble, avec le mari de Daotaï, ce minuscule complexe touristique très tranquille constitué d’une maison avec des chambres, mais aussi d’un espace qui fait à la fois bar, restauration, boutique et salon de coiffure. Elles ont une énergie redoutable, surtout Daotaï, et communiquent surtout avec des mimes et de grands éclats de rire, ce qui fait que nous nous sentons illico presto très bien auprès d’elles.

Elles installent notre chambre, une pièce vide et propre avec un petit matelas à même le sol (5 cm d’épaisseur au maximum, mais c’est bon pour les abdos comme dirait Didier Bourdon) puis nous conseillent de profiter des derniers rayons de soleil pour aller barboter sur l’étang. Il y a en effet des petits pédalos en libre accès à côté de leur petite maison bar, que squattent de jeunes thaïlandaises en vacances, avec de grands éclats de rire, pendant que d’autres jeunes préfèrent boire un soda après leur footing. Si l’endroit n’est pas un lieu de tourisme étranger, il semble par contre plutôt couru par les thaïlandais.

« Quoi, mais il faut encore pédaler?! »
« T’inquiète poupée, Totor s’en charge ! J’ai toujours eu l’âme d’un grand navigateur… »

Nous prenons ensuite notre repas, du riz frit au porc et à l’œuf, et discutons avec Daotaï et son mari, qui se passionne en ce moment pour la culture de durian, ces gros fruits à piquants à l’odeur réputée infâme. Nous n’avons que peu de mots d’anglais en commun mais Daotaï met une telle énergie dans la communication et les mimes, que nous arrivons quand même à tenir une longue conservation. Il faut dire aussi que nous avons de notre côté appris un peu de laotien, et que le dialecte local de l’Isan en est très proche. De plus, les noms d’animaux sont assez transparents, puisqu’ils reproduisent le son que font ceux-ci ; ainsi les chats sont des « meow » et les poulets des « kaï ». Parfois, il y a quand même des incompréhensions, nous ne comprenons par exemple pas pourquoi elle nous parle pendant un moment de « yellow money » avant de comprendre, photos à l’appui, qu’elle parle d’un couple d’allemands (Germany=Yellomani) qu’elle avait accueilli.

Jour 189, samedi 19 janvier, 25km et 92m de dénivelé, farniente et whisky thaïlandais au bord d’un lac

Chez Daotaï, on se sent très bien accueillis, par contre on ne dort pas très bien. Il est difficile de savoir qui ou quoi accuser précisément : le matelas fin et dur, la grenouille qui squatte les toilettes des filles (et qui cause une petite stupeur quand on veut s’asseoir sur la cuvette), ou encore les chiens de notre hôte qui, plusieurs fois pendant la nuit se mettent à hurler de concert, repris par d’autres cabots, en mode meute de loup.

Nous l’avons dérangée alors qu’elle barbotait tranquillement dans la cuvette

Nous nous levons quand même aux aurores, car nous voulons aller admirer le lever du jour sur le mont Phu Tok ; il nous faut donc prendre le soleil de vitesse. Nous n’avons que quatre kilomètres à parcourir à vélo mais nous avons tout le temps de découvrir que les chiens thaïlandais ne sont pas du matin, et nous nous faisons courser par tous les sales cabots de la région.

Arrivés cependant sains et saufs, nous constatons que le site est bien aménagé pour le tourisme, mais qu’il n’y a personne, à part des moines qui se préparent à leur messe, dans le temple construit au pied du mont sacré. Sans trouver trop d’indications, et comme de toute façon aucun panneau n’est en anglais, nous commençons l’ascension un peu au pif, les jambes rapidement tétanisées par les hautes et inégales marches en bois qu’il faut grimper. Ces escaliers de bois, dont certains émettent des grincements inquiétants, permettent d’accéder à plusieurs niveaux de passerelles, accrochées à la montagne. A chaque niveau, nous pouvons donc longer la falaise, ce qui donne parfois quelques frissons quand les passerelles se mettent à craquer, et qu’on réalise qu’il n’y a rien en dessous à part le vide.

Le seul panneau que nous parvenons à déchiffrer

Tout à coup, des vibrations sur la passerelle et des bruissements de feuilles nous font réaliser que nous ne sommes pas totalement seuls ; hé oui, il y a aussi les macaques. Pour nous c’est la surprise de voir s’ébattre tous ces singes, petits et grands, alors que des panneaux en thaïlandais l’indiquaient sûrement. Nous apprendrons plus tard grâce à la lecture d’un site internet que d’autres panneaux indiquent probablement aussi qu’il ne faut pas accéder au dernier étage de la falaise, car il est infesté de serpent, mais nous n’en savons rien sur le moment, et ne voyons pas le commencement de la queue d’un seul invertébré !

Petite pause thé avec vue
C’est plat et aride l’Isan !

Alors que nous redescendons du site, nous croisons plusieurs touristes locaux qui débutent seulement l’ascension et la messe bat son plein dans le temple. Pour notre part, nous rentrons chez Daotaï pour petit-déjeuner, et heureusement les chiens se sont un peu calmés.

Petite exploitation de fraises (hors de prix) sur le chemin du retour

Notre petit déjeuner ressemble à notre dîner : c’est encore du riz et de l’œuf, mais il y en a pour un régiment. Nous terminons notre repas tellement pleins qu’il nous faut faire une petite sieste pour digérer. Ça n’est pas encore aujourd’hui que l’on va partir tôt ! Pourtant, cela aurait été une bonne option, nous avons au moins une soixantaine de kilomètres à parcourir, et à 11h, il fait déjà très chaud, le soleil brillant avec dynamisme dans un ciel bleu sans nuages.

Daotaï, son mari, et les plants de durian

Après avoir fait nos adieux à nos sympathiques hôtes, nous revoilà sur les routes, et, malgré le soleil, la route n’est pas désagréable : nous passons par de jolis petits bleds, des rizières et des champs d’hévéas, et les chiens, écrasés par la chaleur, ne mouftent pas. On en voit bien qui essayent de faire leur travail malgré tout, relevant faiblement la tête de leur sieste en aboyant péniblement quelques « ouaf ouaf », mais très peu trouvent la motivation pour nous poursuivre.

Après 25km de route, nous avisons un grand panneau qui indique un lac et une plage, juste à côté. Par curiosité, nous décidons d’aller voir tout cela de plus près. Nous découvrons une charmante petite plage bordée de parasols et très animée, avec ses tables où l’on se restaure en tailleur, ses baigneurs, et surtout ses enfants hilares sur des bouées tirées par des jetski.

Un 4X4 embourbé que les gens mettront toute l’après midi à sortir du lac (finissant par amener un tracteur pour le tirer de la boue)

Nous trouvons l’endroit si sympathique que nous décidons d’un commun accord d’y faire une petite pause, juste le temps de se reposer un peu avant de repartir sous le soleil.

Rapidement et presque à l’encontre de notre plein gré, notre petit arrêt se transforme en longue pause avec une bière, puis même en repas au bord de l’eau, car visiblement, notre gargantuesque petit déjeuner chez Daotaï n’a pas suffi à Victor. Après quoi de mieux pour digérer que d’aller faire un peu trempette, puis de se livrer à une bataille navale sans merci sur des bouées en chambre à air de camion ? Nous attirons l’attention du propriétaire du restaurant auprès duquel nous avons commandé nos plats, Nan, qui prend son repas avec des amis en terrasse. Il s’intéresse à notre voyage puis, apprenant que nous campons, nous propose d’installer notre tente sur la plage pour la nuit. « Hum, c’est tentant, mais si nous nous arrêtons maintenant, il nous restera 120 kilomètres à faire le lendemain, ce qui est un peu beaucoup » nous disons nous alors. Pourtant, à peine cinq minutes plus tard, flottant pour l’un sur une bouée et siestant pour l’autre sur un hamac, nous décidons, sans même avoir à nous concerter, d’accepter la proposition.

Il n’y a pas à dire, les thaïlandais savent se mettre bien

Et pour fêter ça, sur l’insistance de Victor qui le voit comme une avance de son cadeau d’anniversaire, nous nous offrons même un tour dans ces fameuses bouées tirées par un jetski. Notre conducteur s’élance donc à toute berzingue sur le lac, nous secouant dans tous les sens comme des pruniers, sous les encouragements de Victor qui fait signe d’accélérer même quand nous frisons le naufrage. Nous en ressortons ravis mais avec la sensation d’être passés dans une machine à laver géante, et pendant que Victor va sympathiser avec notre hôte de la soirée et ses amis, je récupère un peu de nos émotions.

Nous finissons par passer la fin de journée et la soirée avec ce petit groupe d’amis, qui a passé tout l’après-midi à table, à manger un nombre incroyable de plats de viande et à picoler un nombre tout aussi incroyable de verres de whisky thaïlandais avec des glaçons. Malgré les difficultés de communication liées au fait que tous ne parlent pas anglais et que notre interprète principale finit bourrée comme un coin, nous passons une très charmante soirée, à discuter de tout et de rien, à poser des questions sur le coin, à répondre à des questions sur nos vélos, et à multiplier les mimes. On nous fait goûter un plat de viande crue pimentée très bonne (mais qui nous rendra malade le lendemain, à moins que ce ne soit le whisky) et les fruits du jacquier, et encore une fois ça fait rire les gens de nous voir devenir rouge et transpirer à cause des piments, alors que ça ne leur fait même pas frémir une narine.

Un cadrage un peu hésitant…

A la fin de la soirée, nous faisons une petite séance photo, et il faut presque porter notre copine thaïlandaise qui a trop bu, alors que les hommes tiennent mieux la barque. Il faut dire qu’ils sont tanqués ; on est loin des gabarits de crevette des laotiens, ici. Nos hôtes nous regardent monter la tente et nous préviennent juste qu’il faut faire attention à leurs chiens de garde, qui risquent de mordre s’ils sont surpris la nuit. Ce faisant, ils nous montrent les bestioles en question, qui ne s’approchent pas trop même quand ils les appellent. Horreur, il s’agit de deux gros chiens marrons qui ressemblent à des dobermans, en version sale, avec leurs épaules carrées et leurs oreilles coupées. Et moi les dobermans, depuis Beethoven (pas le compositeur allemand, mais le film avec le Saint-Bernard) ça me fait peur. D’autant que l’un d’eux a une énorme cicatrice noire (comme si on l’avait recousu avec du gros fil), qui part de sa tête pour s’arrêter au milieu de son dos, et qui le fait ressembler à la créature de Frankenstein version canine. Quand Victor tend une main vers Chienkenstein afin qu’il l’identifie et ne nous dévore pas pendant la nuit, nos hôtes thaïlandais lui crient de ne pas s’approcher plus, soudain affolés. Nous apprenons que les chiens ici ne sont pas des chiens de compagnie. On ne les caresse pas, on ne les dresse pas, on ne joue pas avec ; on les nourrit et ils gardent la maison, point à la ligne. C’est pour ça qu’ils sont agressifs et qu’ils n’écoutent jamais leur propriétaire quand ceux-ci essaient de les empêcher de nous donner la chasse !

Nous nous couchons donc après nous être bien assurés que nous n’aurons pas besoin de sortir de la tente et d’affronter Chienkestein, souhaitons la bonne nuit à nos hôtes, et nous endormons bercés par le doux clapotis des vagues du lac.

Jour 190, dimanche 20 janvier, 118km et 156m de dénivelé : une grosse étape sous le soleil jusqu’à Sakhon Nakhon

Aujourd’hui, nous nous réveillons donc sur notre petite plage, en ayant bien dormi, mais pour ma part, la vessie un peu trop pleine. J’ai renoncé à sortir et rejoindre les toilettes du resto en pleine nuit, de peur de me faire courser par les horribles chiens mutants. Et je crois que j’ai bien fait, car dès que nous nous risquons hors de la plage, les voilà qui accourent en grognant !

Heureusement Nan est déjà réveillé et les rappelle à l’ordre. Il nous invite à venir déjeuner sur sa terrasse, et sa femme Jeap nous sert un énorme plat de riz frit aux crevettes et un autre d’œufs au plat. De crainte, sans doute, que nous ayons un petit creux dans la journée, Nan est aussi allé nous chercher une brochette de poulet au marché, il nous donne un gros paquet de riz cuit, et même de bonnes chips de banane ! Pendant ce temps, Jeap qui est prof de biologie et parle un peu anglais, tente de nous apprendre les subtilités de la langue thaïlandaise. Nous avons tendance à prononcer bonjour à la laotienne en disant « sabaïdi » alors qu’ici il faut plutôt dire « sawat di » et ajouter « kha » si on est une fille et « krap » si on est un garçon.

Dernière photo de groupe avec Nan, Jeap, leurs filles Nam et May et la soeur de Jeap

Rassasiés et comblés par tant de gentillesse, nous prenons la route pour une grosse journée, puisqu’en nous arrêtant très tôt hier, nous nous sommes laissés une étape de 120km. Avec la chaleur qu’il fait, les whiskies de la veille et les chiens agressifs du coin, cela promet d’être folklorique ! Cependant, contre toute attente, le début de la journée se passe plutôt très bien : l’Isan est une région plate, et les alentours du lac sont très agréables.  La sensation de passer par de petites villes balnéaires persiste et nos trente premiers kilomètres passent vite.

Les vaches thaïlandaises, très hautes sur pattes, ont d’hilarantes grandes oreilles

Après une pause, les trente kilomètres suivants sont plus durs : la route est moins agréable et le soleil commence à taper bien fort. Nous nous arrêtons d’ailleurs avant d’avoir effectué les soixante kilomètres prévus pour la matinée, car il est midi et demi, et l’insolation commence à guetter. Nous trouvons pour notre pause pique-nique et sieste une petite cahute sur pilotis abandonnée, qui nous fournit l’ombre requise, et dévorons la nourriture offerte par Nan et Jeap.

Puis il faut repartit avant que le soleil ne se soit calmé, sous peine de faire la route de nuit, alors qu’il fait encore très chaud ! Mon compteur laissé au soleil pendant la pause indique ainsi 39°C. L’avantage de rouler dans ces conditions, car oui, il y en a un, c’est que les chiens, assommés par la chaleur, sont affalés sans force le long de la route et ont perdu de leur mordant. Et quand ces corniauds décident quand même de nous courser en dépit du bon sens, nous tentons de mettre en application des conseils anti-chien qu’on nous a donnés : pour les faire stopper la poursuite, il suffit de s’arrêter brusquement. La méthode est de contrarier l’instinct de prédateur des chiens, qui nous poursuivent car nous fuyons comme des proies, mais va à l’encontre de notre propre instinct de survie. Quand on est poursuivi par trois gros chiens toutes babines retroussées, il semble plus logique et plus tentant de foncer que de s’arrêter! Et c’est vrai que ça perturbe les chiens, ces arrêts brusques, mais ça ne les empêche pas de grogner, de nous suivre, ou même de continuer leur chasse dès que nous repartons.

Les poubelles en pneus recyclés, une passion du Totor

Dans l’après-midi, Victor regarde passer les pick-up vides qui nous doublent, et propose de faire du stop. L’idée est intéressante, mais il est encore un peu tôt, tant que nous pouvons pédaler, pourquoi ne pas le faire ? J’ai pour ma part des envies de défis sportifs. Et en fin d’après midi, alors qu’il ne nous reste que 30km et que le flux des 4X4 s’est tari, nous décidons d’aller au bout de notre ambitieuse étape de 120km. Comme souvent, nous profitons du second souffle de la fin de journée, et avançons bien, d’autant plus que le soir amène un peu de fraîcheur.

Les apaisants paysages de rizières fraîchement replantées
Et les buffles squattant les rizières encore sèches

La nuit tombe alors que nous entrons dans les faubourgs de Sakhon Nakhon, et elle s’accompagne d’un regain de force des animaux ; les chiens semblent tous vouloir nous dévorer les mollets, tandis que de vastes nuées de moustiques en tout genre viennent mourir dans le coin de nos yeux. Les derniers 10 kilomètres sont un peu durs, nous fatiguons, il fait nuit et la circulation s’intensifie sur de gros boulevards que nous devons longer parmi les voitures et les scooters. Et nous ne sommes plus vraiment habitués à la circulation de grosses agglomérations depuis la Chine! Nous finissons quand même par trouver le centre-ville de Sakhon Nakhon, une ville qui n’a pas l’air bien jolie vue de nuit, et une chambre d’hôtel plutôt pas mal du tout pour un prix tout à fait raisonnable (300 bahts), avec balcon et frigo. Et dans ce frigo : des bouteilles d’eau en verre consignées ! Nous qui sommes constamment assoiffés mais qui essayons toujours de ne pas consommer d’eau en bouteille plastique, nous sommes ravis de trouver cette eau fraîche et sans complexes. Cet hôtel sera donc parfait pour y effectuer notre jour de pause, découvrir un peu la ville et même fêter les trente ans du doyen de notre équipe !

Nous ressortons un peu plus tard après une bonne douche qui nous nettoie des centaines d’insectes qui sont venu s’écraser sur notre peau moite, pour découvrir un peu la cuisine thaïlandaise. Nous nous apercevons avec surprise que, cependant, il n’y a pas beaucoup de restaurants, mais plutôt des stands de street food (nourriture de rue) ou des petites gargotes de restauration rapide. Nous échouons dans l’une d’elle, remplie de gens du quartier, et mangeons une soupe de nouilles fraîches jaunes un peu sucrée accompagnée de quelques légumes et de bouts de viande et/ou de poisson transformés. La nourriture est bien la seule chose concernant la Thaïlande qui déçoit nos attentes. Alors qu’on nous avait vanté les monts et merveilles de la gastronomie thaïlandaise et que nous nous attendions à une cuisine un cran au-dessus de la cuisine laotienne, c’est tout le contraire. En Isan, en tout cas, il n’y a pas de quoi s’en relever la nuit, l’offre est limitée et les plats souvent à la fois gras et peu goûtus…

Jour 191, lundi 21 janvier, petite pause et joyeux anniversaire

En ce lundi 21 février, Victor se réveille trentenaire et un peu vieux, tout cassé de la journée précédente, et moi de même. Nous passons donc une matinée calme constituée de blog, de lessive, de repos et d’un repas avant de sortir découvrir la ville. A l’issue de notre promenade, la ville de Sakhon Nakhon se révèle sans grand intérêt, qu’il s’agisse de son temple, de son lac, de son parc… Les maisons sont toujours en bois, mais, entassées les unes contre les autres et moins jolies. La configuration dans laquelle elles sont nous rappelle un peu la Bouriatie et la Sibérie, ce qui est quand même assez amusant.

De plus, il n’est pas agréable de circuler dans la ville, puisqu’il n’y a pas de trottoirs prévus pour les piétons… puisqu’il n’y a pas de piétons ; tout le monde se balade en scooter. Alors comme ils ne marchent pas, les gens vont au parc histoire de compenser en faisant un peu de sport, et nous les voyons donc faire des footings ou de la gymnastique.

Nous remarquons alors quelque chose d’inhabituel après le Laos où les gens étaient filiformes : il y a pas mal de gens assez gros, voire obèses. La faute peut-être à la profusion (voire au quasi-monopole) de la nourriture de fast food et à l’omniprésence des sodas. Comme l’eau, ils sont disponibles en bouteilles consignées, mais ils sont bien plus consommés ! Dans absolument tous les villages de campagne, on trouve même des petits stands qui vendent une boisson faite de lait concentré, de poudre colorée, de soda et de lait de soja, tous les éléments étant mélangés pour remplir un énorme verre plastique doté d’une paille. Dans le pays des délicieux fruits exotiques, c’est un comble de ne pouvoir trouver que cette mixture, et pas de bons jus frais !

Toujours est-il qu’à l’issue de cette balade un peu décevante dans Sakhon Nakhon, nous décidons que nous cuisiner quelque chose nous-même, en l’absence d’un resto convaincant pour fêter l’anniversaire de Victor. Et ce soir, c’est menu régressivo-nostalgique : petit pâté de Brin de Campagne en entrée, et (sorte de) pâtes carbo en plat de résistance !

ça reste assez modeste pour fêter 30 balais

Et demain, nous repartirons sur les routes thaïlandaises,  en direction de la frontière de Paksé et du Sud Laos!

2 réflexions au sujet de « Jours 188 à 191 : De la frontière de Bueng Kan à la ville de Sakhon Nakhon, découverte progressive d’une Thaïlande rurale »

  1. Ah que c’est bon de vous retrouver par l’écrit et l’image ! Nous nous mettons en route pour les retrouvailles à Lyon, sous le soleil même si moins chaud que vous… Bisous.

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  2. Eh ben, hormis les éléphants, ça ressemble quand même vachement au limousin..
    Bisous 🙂

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