Avant de prendre la route vers le Sud de la Chine, nous profitons d’être dans les alentours de Pékin pour aller voir la Grande Muraille de Chine, monument emblématique du pays, ouvrage titanesque et curiosité architecturale qui nourrit bien des fantasmes. Si elle n’est pas, au contraire d’une croyance répandue, visible de la lune, elle est par contre bien le plus grand ouvrage humain jamais construit, long de plus de 6000km.
Nous en avons déjà vu un petit bout en arrivant à Zhangjiakou, et un autre dans le bus qui nous amenait à Pékin, mais voir ne nous suffit pas, nous voulons aller randonner sur cette muraille.
Comme tous les sites touristiques de Chine, la question de la fréquentation se pose. De fait, certains pans de la muraille, aménagés pour les visiteurs, rénovés et dotés de rampes d’accès, sont littéralement pris d’assauts et enlaidis par des dizaines de magasins de souvenirs. Nonobstant, grâce à l’étendue de l’ouvrage, d’autres pans sont bien plus tranquilles et sauvages. Plus difficiles d’accès et non rénovés, ils permettent de belles randonnées, et même, à ce qu’il paraît, d’exceptionnels bivouacs.
Pour notre part nous ne camperons pas, car notre tente, comme tout le reste de nos affaires, est déjà dans un train en partance pour Guilin, accrochée à nos vélos (enfin, espérons-le). Par contre, nous allons grimper à un endroit de la muraille pour y randonner à la journée, avant de redescendre dans un village où nous réservons une auberge. Nous suivons un bon plan, transmis de bouche de voyageur français à oreille de voyageur français, dans les environs de Hanghuacheng. La randonnée promet d’être belle, puisqu’elle part d’une crête qui surplombe un lac et serpente à travers la montagne jusqu’à un autre lac artificiel, où commence une partie rénovée et payante de la muraille. Si nous en avons le temps et l’envie, nous pourrons donc également aller sur la partie touristique de la muraille le lendemain de notre randonnée.
Pour y accéder, rien de plus simple, il suffit de prendre un métro puis successivement deux bus depuis Pékin et demander au chauffeur de nous arrêter avant un petit village depuis lequel on peut monter jusqu’à la muraille. Grâce à des informations précises, notre plan se déroule bien, à une exception près. Alors que nous nous endormons dans un premier bus, on nous secoue pour nous réveiller au bout d’une heure, en nous disant que nous sommes arrivés à destination. Mal réveillés, c’est seulement une fois sortis du bus et le bus parti que nous nous apercevons que ce n’est pas un bon samaritain qui nous a indiqué notre arrêt, mais un arnaqueur qui nous a consciemment fait descendre un arrêt avant le terminus pour nous proposer ensuite un tour en minibus. Quand nous nous rendons compte de l’entourloupe, nous sommes tellement fâchés que le sale type n’insiste pas trop à nous proposer son fameux tour hors de prix et prend la poudre d’escampette. Et il a raison, ce réveil anticipé nous a mis dans une humeur massacrante et j’ai très envie de lui arracher les yeux!
Et nous nous demandons si son arnaque marche des fois et s’il trouve des gens assez stupides pour lui faire confiance et monter dans son minibus après qu’il les ait obligés à descendre. Malheureusement, ce type d’arnaque est monnaie courante autour des sites touristiques : il y a quelques jours, des copains français rencontrés en Mongolie ont aussi failli se faire avoir au même endroit. Une femme est venue les voir en leur indiquant qu’ils avaient loupé la dernière correspondance (ce qui était faux) et avait insisté lourdement pour les emmener en taxi jusqu’à la muraille.
Bref, à part ça, nous trouvons notre second bus et la vue de la muraille qui se détache sur la crête des montagnes nous rend notre bonne humeur. Elle est encore plus impressionnante que ce à quoi nous nous attendions, puisqu’elle monte et descend à pic, en suivant scrupuleusement le découpage de la montagne. A la voir aussi aérienne, on plaint les ouvriers qui ont eu à la construire et on se demande si aucun ne s’est dit à un certain moment « Hé les gars, est ce qu’on est sûrs que c’est bien utile de faire un mur à cet endroit là? Parce que là franchement, à part un chamois, y’a personne qui passe! »
Nous descendons du bus dans un petit village, puis montons un peu au pif à travers la montagne pour atteindre la muraille: ça grimpe déjà sec, et on est même pas encore dessus! Nous devons ensuite payer un droit de passage de 5 yuans chacun à un gars du coin (1 euro = 7,9 yuans), un paysan dont nous traversons sans doute la propriété, puis nous parvenons à un endroit où la muraille est un peu effondrée, ce qui permet d’y grimper. Et hop, youpi, nous voilà sur la Grande Muraille de Chine!
La randonnée sur la muraille de Chine, ça n’est pas de tout repos! Comme elle suit le relief très accidenté des montagnes, elle monte et elle descend constamment et très sérieusement!
Au début de notre randonnée, qui doit faire une dizaine de kilomètres, la muraille est plutôt bien entretenue. Elle se partage entre des pentes abruptes et des escaliers qui prennent le relai quand le degré d’inclinaison devient trop fort (soit la plupart du temps). Dans tous les cas, ça grimpe tellement qu’on n’envie pas les soldats qui devaient faire leurs rondes. Et on se met à questionner l’appellation de l’ouvrage, parce que franchement, « Le Grand Escalier de Chine », ça collait mieux.
Dans ce paysage forestier sec mais particulièrement joli, nous évoluons lentement au fur et à mesure du dénivelé. Bientôt, la muraille bien entretenue laisse place à des ruines, où la nature depuis longtemps s’est réinstallée et masque en partie ce travail de titan. Parfois elle disparait tant et si bien sous la végétation qu’on est même plus trop sûrs d’être encore sur la muraille.
Minute culture: la construction de la Grande Muraille de Chine a commencé dans les années 200 avant JC mais elle n’a véritablement été achevée qu’au XIIIème siècle quand on a reliés entre eux différents pans de murs avec des briques. Elle a cependant davantage été une démonstration de pouvoir vis à vis des ennemis et de domination de la technique sur la nature, plutôt qu’elle n’a eu une véritable fonction défensive. Comme le disait Gengis Khan « la force d’un mur dépend du courage de ceux qui le défendent » (à méditer aujourd’hui) et de fait, la grande Muraille n’a pas empêché les invasions des Huns, ni plus tard celles des européens (puisque ces petits fourbes passèrent par les mers) ni encore celle des japonais dans les années 1930. (Et plus tard encore Shan You le grand méchant dans Mulan prétend même que c’est la construction de la muraille qui lui a donné envie d’envahir la Chine.)
Pour revenir sur cette belle balade et la conclure, nous redescendons vers un lac artificiel, où commence une partie de la Grande Muraille rénovée et ouverte au tourisme.
Ceci sonne le glas de la tranquillité et les infrastructures touristiques poussent à nouveau comme des champignons. Ce n’est pas grave, nous avons pu faire une magnifique et très originale randonnée sur cet extraordinaire mur. Nous resterons dans le thème, car, après être repassés un peu par Pékin, nous prendrons la direction de Pingyao, un petit village médiéval fortifié et ceint d’une muraille défensive.
2 réflexions au sujet de « Jours 92 à 98(2): Petite randonnée sur la Grande Muraille de Chine »
Trop chouette cette muraille !!!
Merci Franklin pour le récit et pour la photo de Victor qui nous a permis de nous rassurer : il a gardé son côté sportif et son implantation capillaire…
Et d’ailleurs Vicou : as-tu trouvé une contrepétrie avec la grande muraille de chine ??
Allez des gros bisous à vous deux
Juju.
Bailloche
Non, j’ai calé sur la contrepèterie en dehors de la fameuse traversée pédestre de la frontière chinoise. Une proposition ?
Victor